L'insupportable campagne marketing française aura eu raison de "Surrogates" titre au combien plus évocateur que l'affreux "Clones" dans la langue de Molière. Car comment assimiler correctement toute une thématique sur la robotique si c'est pour nous vendre un traitement cellulaire en tête d'affiche ? Une coquille qui vient se loger juste à l'endroit d'un plaisir qui aurait dû être plus franc du collier et qui devait enfin couronnerJonathan Mostow aux rangs des grands faiseurs Hollywoodiens. Manque de bol, l'échec au box office du film et sa non réhabilitation dix ans plus tard ont condamné ce film de SF aux douves. Un nouveau visionnage met aujourd'hui en lumière un film passionnant malheureusement sous exploité par une micro durée mais pas que... "Surrogates" entretient un lien invisible mais bien présent avec un certain "T2" et surtout "Avatar" de James Cameron sorti sept mois plus tard. Explications dans les grandes largeurs d'un film qui dialogue ouvertement avec l'un des plus grands succès de tous les temps. Quand David rencontre Goliath.
C'est qui le patron ?
L'insuccès et le désamour de l'opus de Mostow s'expliquent assez facilement. Le système Hollywoodien a toujours su frapper là où il fallait, habituant des hordes de spectateurs à mettre dans des cases des catégories de films en fonction de l'humeur. Les genres mais aussi les formats, les durées, les classifications permettent de compartimenter et de conditionner les choix. Une large partie se fait inconsciemment mais demeure une source d'informations que l'on peut analyser. Ainsi le Blockbuster moyen, puissance de feu des majors dépasse allègrement les 2H10 depuis une bonne vingtaine d'années alors que la série B de luxe (ou non) avoisine les 90 mn. Dans ce contexte, "Surrogates" cumule à la fois l'envergure du grand spectacle (stars, production values) mais conserve l'attrait so B-movie de la durée (à peine 88 mn) et de son ton résolument porté vers une forme de nihilisme assumée (Gourou afro-americain, working class en opposition aux classes dominantes). Avec ce background, le film de Jonathan Mostow marche sur trois pattes ne sachant jamais à quel type de spectateurs il s'adresse. L'auditoire décontractée du samedi soir ou le cinéphile un peu plus exigeant habitué à l'amertume ou à l'acidité d'une proposition. Durant sa production, il ne sera jamais fait mention de la moindre empoignade entre le réalisateur et ses producteurs. Mostow assumant parfaitement son film du premier photogramme mis en boite jusqu'à la promotion. Aucun nuage à l'horizon. Pourtant, aussi impliqué dans un discours qui ressasse ad nauseam les problèmes d'une société qui n'assume plus ses pauvres, qui laisse le paraitre prendre le pouvoir, "Surrogates" se donne des airs "Carpenteriens" avec son Bruce Willis amaigri et teigneux. Aujourd'hui, il est clair que la tentative de greffer le Blockbuster dit de "haute technologie" et le courant moins mainstream de la série B aura condamné une approche fort séduisante dans chaque étape de son élaboration. A l'image d'un "Los Angeles 2013" qui se trimballait une réputation pas toujours facile, "Surrogates" s'affirme grâce à une identité singulière mais il représentera également l'échec incarné pour tout un pan de réalisateurs classiques et chevronnés et le début de la fin pour la diversité. Une ère qui se termine (nous sommes en 2009) mais qui parlait avec insistance du deuil d'un enfant, de la fin du couple, de l'agoraphobie et de "remplaçants magnifiques" capables d'offrir un monde meilleur ou comment poser des roses sur de la merde.
Accointances Cameroniennes
Au premier abord, il n'y a aucun lien entre le réalisateur de "Beakdown" et le patron "d'Avatar". Pourtant, la première approche se fera en 2002 lorsque Jonathan Mostow prendra les rênes de "Terminator 3": le Soulèvement des machines". Un sequel pro très proche de ce que l'actionner urbain était en droit de proposer...sans l'étincelle qui fait la différence. L'automatisation, la production de cyborgs à la chaine, l'asservissement de la population, autant de sujets qui prennent en compte la disparition de l'organisme au profit ... d'un remplaçant de synthèse. "Surrogates" est donc le chainon manquant entre "T2" et" Avatar". Et c'est sur le modèle "Cameronien" que Mostow va prolonger le concept de la victoire des machines sur l'homme. Une approche esthétique dans un premier temps opérée par le chef opérateur "Oliver Wood" qui dupliquera les dominantes bleutées chères au QG de Cyberdine. Une forte connotation technologique est à noter dans l'utilisation du code couleur chez Cameron qui impose non seulement le respect mais aussi le passage dans l'inconnu. Dans "Surrogates", le bleu y est plus fonctionnel avec une tendance à l'esthétique gratuite flattant la rétine plutôt qu'une tentative de nourrir le propos. Dans un deuxième temps "Le Remplaçant" affiche des caractéristiques physiques impressionnantes quoique différentes du "T800". On peut y rapprocher la morphologie des deux exo-squelettes et les impressionnantes chaines de construction qui rappellent le taylorisme. Plus incroyable encore, le choix de Mostow de placer son protagoniste dans un caisson et de laisser une version améliorée de soi prendre le maquis. En ce sens, "Surrogates" fonctionne presque comme le miroir déformant de "Avatar". "Greer" le flic interprété par Willis va mener son enquête durant un tiers du film sous son apparence factice avant de s'en extirper pour retrouver la saveur d'une vie perdue. Un étonnant contraire que "Jake Sully" (Sam Worthington) qui au nom d'une vie perdue va accepter d'être quelqu'un d'autre afin de retrouver un semblant d'humanité. Un couple sacrifié pour l'un et un amour en devenir pour l'autre.
Une différence de point de vue pour deux cinéastes dont le point de convergence est l'ouverture sur un monde nouveau à travers un sarcophage qui en réduit l'espace, la métaphore absolue du quidam planqué derrière son Mac perdu entre sa propre réalité et le foutoir de pixels devant ses yeux ?