C'est d'un œil un peu sceptique que je me lançai dans ce nouveau film des Wachowski. Qui ne serait pas sceptique après les Matrix, le surestimé Bound ou le machin Speed racer ? De plus, depuis quelques temps, j'ai tendance à me méfier des films annonçant des castings faramineux (en fait, depuis la Ligne Rouge, je crois : ça valait la peine d'avoir autant d'acteurs talentueux pour faire ça !).
Dans ce Cloud Atlas, on retrouve, hélas, cette pseudo-philosophie de bas étage qui avait déjà pourri Matrix. Pourquoi donc vouloir impérativement paraître abscons pour faire croire que l'on est intelligent ? D'autant plus qu'ici, la construction du scénario et la qualité de la réalisation suffisaient à faire de ce film un bon moment de cinéma.
Le scénario nous présente 6 histoires (c'est bien ça ? Je n'en ai pas oublié ?) qui s’étalent sur 4 siècles (c'est bien ça, hein ? Du milieu du XIXème ou milieu du XIIIème siècle, hein ?). Mais ces histoires ne sont pas sagement installées les unes à la suite des autres, oh que non ! Elles sont entremêlées, formant un entrelac savamment construit. Ainsi, les séquences se répondent entre elles : quand le personnage principal est en danger dans un espace-temps, un autre personnage ^principal est en danger également dans son propre espace-temps. Et idem quand ils se sortent du danger, tombent amoureux(ses) etc.
Les histoires sont aussi reliées par toute une série de détails qui tissent une toile beaucoup plus dense qu'il n'y paraît. Ainsi, le compositeur de musique lit le journal de l'avocat anti-esclavagiste ; la journaliste lit les lettres du compositeur ; l'éditeur lit le livre de la journaliste, et ainsi de suite, chacun se nourrit des autres.
Autre détail, les boutons qui ferment le costume de l'avocat, qui se retrouvent sur le gilet du compositeur, etc. En bref, les cinéastes ont créé un réseau quasiment solide de références internes, réseau qui est encore renforcé par la présence récurrente d'une bande d'acteurs qui se retrouvent, eux aussi, dans tous les épisodes, parfois dans des rôels importants, parfois en faisant juste une apparition. Halle Berry est le personnage principal de l'épisode des années 1970 alors qu'elle ne fait qu'une minuscule apparition dans les années 1850. De même pour d'autres...
En parlant des acteurs, ils sont, dans l'ensemble, assez inégaux. Alors que Tom Hanks se contente de faire Tom Hanks en train de jouer, la palme du génie revient sans conteste à Hugo Weaving, qui tient ici des rôles formidables (et souvent des personnages de méchants). Il est capable d'être terriblement inquiétant en tueur à gages ou absolument hilarant en infirmière tyrannique. Ben Whishaw confirme qu'il est un des acteurs les plus intéressants actuellement. Et puis, il y a Sun Zhou... (soupir)... enfin, voilà, quoi....
Le rythme est très travaillé, et le montage de ce film est très réfléchi et d'une grande réussite. Parce qu'il faut être clair : réussir à me tenir pendant presque trois heures avec des idées aussi simples, il fallait assurer derrière. Ainsi, le film assure quelques moments de tension, offrant des scènes plus courtes qui s'enchaînent plus rapidement, et d'autres moments plus calmes où les scènes s'allongent.
Les univers très différents s'enchaînent également, entre le bateau du XIXème siècle et la société futuriste de Néo-Séoul. Et la partie comique de l'histoire de l'éditeur apporte son lot de fraicheur qui permet d'éviter la simple répétition.
Le film avance donc sur une corde raide : présenter six histoires qui se soient suffisamment proches pour préserver l'unité du film et assez dissemblables pour éviter les répétitions.
Ce qui manque, finalement, c'est un fond. Car de quoi parle Cloud Atlas ? De personnages qui se rebellent contre l'ordre établi. Un avocat se dresse contre l'esclavagisme en cours à son époque. Une serveuse coréenne se réveille de son engourdissement social pour découvrir la vérité sur son monde profondément injuste. L'homme d'un monde post-apocalyptique combat les superstitions de son monde pour aider une jeune femme. Dans tous els cas, il s'agit de sortir de sa condition, de faire un pied-de-nez à tous ceux qui voudraient enfermer les populations dans des castes hermétiques dont il serait impossible de sortir. Et il s'agit surtout de la révolte des faibles contre les forts. Rien de fondamentalement original ni révolutionnaire dans le monde du cinéma hollywoodien.
C'est bien là la limite du film : se faire passer pour intelligent tout en étant un peu vide. Mais qu'importe, le spectacle est assuré. Pendant trois heures.