Témoignage d'un cœur de citadin endolori

L’ambiance planante qui démarre le film, laisse déjà présager le pire dans ce qui sera par la suite une mise à l’épreuve humaine face à l’adversité titanesque d’une créature, submergeant le rêve américain que symbolisent les gratte-ciels new-yorkais. Le brouillard menaçant qui surplombe la ville au petit matin pèse déjà lourd sur le funeste avenir que subira Central Park au moment fatidique. Ainsi le combat mené par l’enregistrement parle de lui-même dès l’ouverture, lorsque le drame démarre il est question de documenter au mieux ce qui pourra être vu et vécu par le reste du monde. C’est bien sûr une forte question politique qui existe en dessous de ce message puisqu’il s’agit d’enregistrer la guerre dans tous ses états, quoi qu’il arrive, afin d’en témoigner le plus vraisemblablement possible. Le chemin mené devra alors passer par les entrailles de la ville comme par les sommets les plus hauts, car nous ne sommes plus ici à New-York mais bien dans la fameuse jungle new-yorkaise.
Si le film commence en douceur par la révélation peu à peu des personnages et de la soirée, il se trame déjà sous cette fête un terrible monstre qui ronge certains des protagonistes. Lors de l’apogée du trouble, quand finalement les sentiments des personnages principaux rentrent en collision par mégarde, c’est tout autant la soirée qui finit par trembler que New-York qui commence à connaître l’infamie de cette créature nocturne. C’est peu à peu le rembobinage de la mémoire de la caméra qui fait apparaître au sein de cette guerre des bribes d’un passé sentimental déchiré par le présent.


L’intérêt de Cloverfield se porte évidemment sur la mise en avant du medium filmique utilisé sous l’aspect d’un personnage à part entière, ce qu’on appelle plus fréquemment le found-footage movie, qui consiste en la visualisation de rushs filmés par une caméra amateure, récupérés par dieu sait qui après que ce soit passé un événement marquant que subissent les protagonistes. Pour faire vivre un tel projet filmique il faut pouvoir recréer le mouvement habituel d’une caméra qui à présent fait corps entier avec l’histoire présentée au spectateur. C’est ainsi que l’astuce judicieuse de se permettre des champs/contre-champs par l’échange inopiné de la caméra entre certains personnages semble à la fois juste et un peu archaïque. De ce fait la caméra-personnage traduit bien plus directement l’intention des filmeurs, soumise à reproduire une vision analogue à celle que pourrait vivre réalistiquement le protagoniste qui la tient.
La qualité du montage se joue quant à elle à l’apparition spontanée de nombreuses coupures inappropriées, laissées pour compte comme les affres d’une mémoire troublée par les événements. En réalité il n’en est rien puisqu’il s’agit ici de faire comprendre que le médium fragile qu’est l’enregistrement amateur se voit aussi comme étant l’improvisation d’un montage vécu sur le moment tel un tourné-monté. Le fait réel expose donc l’impossible, mettant en exergue l’invraisemblance pourtant vécue d’un événement aussi tragique. C’est le spectateur du film qui comprend qu’il est aussi personnage d’une mémoire partagée, il rentre de manière troublante dans une histoire qui, peu à peu, lui appartient et s’immisce dans l’œuvre sans en avoir été averti.


Cloverfield parmi tant d’autres œuvres du même genre reste une référence par l’ingéniosité d’une mise en scène posée au service d’une sensation plus profonde, plus intime. La créature qui règne à présent sur la ville décapite ainsi la liberté de nos personnages à pouvoir s’exprimer, elle est et restera sûrement à jamais le tabou qui règne entre un homme et une femme, incapables de s’ouvrir l’un à l’autre.

Louis2Sousa
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le 17 sept. 2019

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Louis De Sousa

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