Cobra Verde est le cinquième et le dernier film qu'a tourné Werner Herzog avec son acteur fétiche, le très colérique mais fascinant Klaus Kinski.
L'histoire se déroule au début du dix-neuvième siècle et est celle de Francisco Manoel da Silva, un bandit brésilien plus connu sous le nom de Cobra Verde. Terrorisant la population locale, il va devenir l'intendant d'un riche planteur de canne à sucre avant de se faire envoyer en Afrique pour devenir trafiquant d'esclaves, après avoir commis l'erreur de mettre enceinte l'une des nombreuses femmes du propriétaire de la plantation. Arrivé en Afrique Francisco va devoir affronter un roi nègre sans pitié, qu'il fera détrôner avec l'aide du frère de celui-ci, qui le nommera gouverneur du fort. Par la suite, crevant d'ennui et le trafic des esclaves ayant été aboli, Francisco va tenter une dernière évasion par la mer mais son bateau restera définitivement cloué sur la plage. Cobra Verde lui s'écroule de fatigue dans la mer sous les yeux d'un nègre atteint de polio.
Cobra Verde est donc l'ultime collaboration entre Herzog et Kinski. Dans ce film comme dans les quatre autres réalisés par Herzog Kinski est magistral et donne de l'ampleur et de la folie à son personnage, peut-être même un peu trop. En réalité Kinski est absent et extérieur au tournage. Après avoir réalisé son propre film Paganini l'acteur est habité par son rôle de musicien, dont il n'arrive pas à se détacher.
La dernière scène du film, issue de la dernière séance de tournage, est très révélatrice de la condition psychologique réelle de l'acteur. Le film s'achève avec un personnage mourant, qui aimerait quitter le rivage mais qui n'en a plus la force. Il essaye... en vain. Ce n'est pas Cobra Verde qui s'écroule dans la mer, à bout de force, c'est Klaus Kinski qui a tout donné. C'est une étoile qui s'éteint, dans un ultime soubresaut. Kinski jouera par la suite encore dans deux ou trois films avant de mourir en 1991 d'une crise cardiaque mais ce qu'il en restera n'est que la faible lumière d'une étoile refroidie.
La fin du film est d'autant plus touchante qu'on pensera que Kinski aura usé son talent, pour le fric comme il aimait à le rappeler, dans des films plus ou moins bons, parfois franchement mauvais et dont la postérité ne retiendra certainement que ses rôles dans les films de Herzog.
Cobra Verde est un film assez triste devant lequel on ressent un certain malaise, même si des moments plus optimistes sont parfois suggérés (le groupe de chanteuses et danseuses par exemple).
L'esclavage y est bien sûr critiqué mais pas tant sur le plan humain, il l'est plutôt sur le plan de la technique : si l'évolution industrielle apporte aux Blancs le luxe des produits comme le sucre ou le café, il n'apporte rien de significatif aux populations asservies si non la peine et la douleur (c'est ce qui est suggéré par l'esclave qui se broie la main dans la machine servant à extraire le sucre de la canne à sucre).
Cobra Verde n'est clairement pas le meilleur film de Herzog mais il a le mérite de conclure la relation, souvent houleuse, entre le réalisateur et son acteur, dont il aura été le seul à avoir eu assez de dextérité pour en exploiter tout le talent.