Formidable petit film. Mon Hellman préféré. Très loin de l’abstraction de Macadam à deux voies, un film que je n’hésiterai pas à qualifier de walshien, avec un héros solitaire, obsessionnel, charismatique, des femmes amoureuses mais qui ne s’en laissent pas conter, des aventures comico-épiques, une sorte de radicalisme bourru qui permet à Warren Oates de tout miser et de tout perdre (sa caravane et sa nana) pour partir, le bagage sous le bras, et tout recommencer. Et puis cette idée, ô combien glorieuse, de le débarrasser de la parole au bout d’un quart d’heure. Warren Oates, sans la parole, c’est un peu comme John Wayne qui retrouve son ceinturon et son flingue : c’est l’évidence retrouvée, l’état naturel, la liberté. Il faut dire que le sujet du film est idéal pour Hellman : avec immersion chez les péquenauds, reconstitution documentaire de la réalité, notamment celle des tournois et des combats de coqs. Il y a juste ce qu’il faut de fiction et d’intrigue disséminée pour évoquer la rivalité avec l’alter ego Harry Dean Stanton, les rapports amoureux, quelques péripéties annexes. Le ton du film aussi est joyeux, la musique n'y est pas pour rien, ce qui permet d’éclairer et d’assumer une cruauté dont il aurait été difficile de faire l’économie. La dernière scène est à ce titre absolument merveilleuse, avec décapitation de poulet, dont la tête arrachée sert de relique amoureuse, moi je trouve ça beau, que ceux qui s’en scandalisent passent leur chemin : ils n'ont rien compris à l'amour.