Disney et Pixar, c’est une histoire de compromis. Malgré la complicité qui existe entre ces studios, le premier tend à régresser l’esprit merveilleux dans un tourbillon magique et le second tend à préserver un regard plus nuancé sur la nature humaine et les valeurs qui frappent directement au cœur. Après avoir façonné une filmographie de qualité, notamment avec Toy Story, John Lasseter poursuit son envol vers le succès permanent. C’est pourquoi Lee Unkrish est appelé à réaliser de nouveau, accompagné d’Adrian Molina. Loin de créer une innovation totale dans le thème, le décor suffit néanmoins à créer l’événement. À la veille del Día de los Muertos, l’animation prend un certain risque dans la fidélité des traditions tout en gardant un pied dans l’imaginaire. L’équilibre est pourtant acquis et pose les bases fondamentales que le spectateur a toujours consommées chez le studio. Ce qui finit par séduire, c’est toute la richesse qu’il a apportée afin de nouer une intrigue pleine de promesses et d’espoirs.
On se plonge alors dans un décor rural Mexicain, plein de vie. Et au cœur de la mêlée se trouve le jeune Miguel, descendant d’une famille de cordonnier, fière de leur entreprise familiale. Ce qui interpelle, c’est donc la loyauté de ce dernier envers ses proches. Or, il découvre un talent exceptionnel qu’est la musique. Cependant, elle a fini par diviser toute une famille à la peine, c’est pourquoi elle ne peut exister, quelle que soit sa forme. Ce petit détail pourtant simpliste est implanté dans le noyau familial. La passion que Miguel voue à son idole est l’exemple même d’un aveuglement propre à un enfant. Sa lutte est pourtant défendue dans le cœur de ceux qui partagent la même sensation, le même sentiment de liberté. Faute de quoi, le thème de la mort est rendu à son côté exclusivement festif en ce jour de commémoration. Voilà en quoi se distingue le film, le deuil est une alternative qui n’est pas considérée comme un état d’esprit sinistre. Tout le but est de réunir les vivants et les morts autour d’une fête, d’une bénédiction, d’un devoir de mémoire.
Bien évidemment, les divergences dans la famille compliquent bien les choses. Face à l’individualité de Miguel, le collectif familial tend à protéger un héritage qu’ils prennent à cœur de préserver. Mais qu’en est-il de ce que nos défunts nous ont laissé une part de liberté ? Le jeune garçon saisit l’opportunité de réveiller les morts pour une ultime danse de réflexion. L’univers des morts est construit sur la notion du souvenir, sans quoi ils n’auraient plus de sens particuliers. L’ouverture ainsi créée, sur ce qu’il reste après son passage sur Terre, demeure flou et tabou, mais ce qu’il faut retenir, c’est que la famille restera l’instinct protecteur le plus fort.
La quête de Miguel atteindra tout de même un but, car la morale qu’elle revendique surclasse ses efforts. Auprès de ses ancêtres, on lui enseigne une mise en garde sur sa passion, frôlant le fantasme. On prend le temps de développer tout le recul nécessaire, sans oublier quelques notes de nostalgie. Le message se révèle ainsi avec une puissance que l’on n’attendait plus dans un film d’animation. Rares sont ceux qui s’aventurent dans une marre de fantaisies et qui proposent tout de même un sentiment bien perceptible, bien concret et bien palpable. On s’attarde alors peu sur le côté humoristique, notamment amené par la gestuelle squelettique des divers personnages, mais leur dosage reste maîtrisé, en accord avec le rythme. Par ailleurs, aucun des personnages secondaires ne voit son développement négligé. L’intrigue prend pleinement conscience du potentiel que regorge la frontière entre morts et vivants.
Dynamique, émouvant, réaliste, le film a su se pencher sur ses thèmes principaux en temps et en heure, avec une justesse qui nous atteint droit au cœur. Le pivot de l’histoire, « Coco » fait rêver grâce à son univers, garni de teintes vives et de sa sensibilité. On y trouve de la sincérité et on se laisse ainsi prend au jeu. La tendresse nous guide vers l’ultime propos qui trouvera du bon dans chaque parti. Universellement visible et compréhensible, la lecture de ce dernier Pixar aura l’âme à la fête et le corps au repos. Cette exploration est à vivre chez les petits comme les grands.