Coco, c’est le retour des Pixar des grands jours, ceux que l’on aime parce qu’ils mêlent si bien humour et profondeur. Et quel défi plus grand que celui d’aborder auprès des enfants le thème de la mort ? Lee Unkrich avait approché, dans ses plus belles créations (les Toys Story et Monstres et cie notamment), des sujets aussi complexes que la nostalgie, la peur, le temps qui passe, la fin de l’enfance … Il ne restait plus que le thème de la mort comme un ultime défi, un ultime sujet à aborder. Mais toujours à la sauce Pixar des grands jours, c’est-à-dire avec beaucoup de poésie, et toujours avec le filtre, la protection d’une métaphore englobant l’ensemble du récit. En effet, on peut déceler dans chaque film d’animation mentionné ce procédé qui consiste à utiliser une histoire allégorique afin de parler à la fois aux enfants et aux adultes, à créer de multiples couches d’interprétations et de lecture où chaque âge saura trouver le plaisir qui lui est accessible (et aux enfants des dessins animés exigeants, et aux adultes la jouissance de retomber en enfance). C’était un véritable défi, oui, de faire un film où la plupart des personnages sont des squelettes et où les décors oscillent entre cimetière et monde des morts sans que cela suscite de la peur chez les plus petits. L’esthétique magique et colorée du film a un rôle important et joue un contrepoids face à la noirceur des thèmes abordés. Le film est un plaisir visuel de tous les instants.
Mais c’est également dans toutes les idées géniales, qui vont de la trame générale aux petits détails en passant par des inventions pleines d’inspiration, que réside l’immense qualité de Coco. Dans cet emballage coloré et visuellement incroyable se trouve un bonbon de profondeur et de symbolisme. L’histoire de Miguel, c’est celle de l’expérience de la mort à un âge auquel on en est parfois encore épargnés, ce qui comble un manque important de récits auxquels les enfants en deuil peuvent s’identifier. C’est l’apprentissage de la résilience, du pouvoir de la « pensée magique », de la force que donnent les croyances spirituelles diverses. Elle parle du poids du passé et des multiples remous qu’il renvoie encore bien des années après. De la nocivité des secrets de famille. De la place essentielle de la famille comme de la nécessité de s’en détourner pour vivre sa vie. De l’importance des animaux, des récits sur l’au-delà et des rituels. Tout y est, dans une histoire qui, bien que très prévisible, conserve une nouveauté, une originalité, qui tient autant au décor qu’à des petites inventions (les morts qui doivent passer un scanner pour visiter leur famille le jour de leur fête mais ne passent pas les contrôles de sécurité si leurs proches n’ont pas placé leur photo sur l’autel ; les morts qui disparaissent si on les oublie, qui meurent une deuxième fois …). Le tout dans beaucoup d’humour, burlesque à travers les mouvements hystériques du chien de Miguel, attachant à travers cette famille pleine d’amour et de forts caractères, ou plus grinçant dans des répliques ou une atmosphère plus globale (eh oui, dans ce royaume de la mort, il y a beaucoup de couleurs, et l’on peut rire de tout, même du fait qu’on soit mort étouffé par du chorizo…). L’alternance des scènes d’émotion et des scènes plus drôles crée une montagne russe émotionnelle, et le passage du rire aux larmes nous bouscule en permanence. A travers les tonalités pop de la chanson Ne m’oublie pas d’Ernesto de la Cruz, le musicien que Miguel doit retrouver dans le monde des morts, qui scande le film de bout en bout, un fil est tissé qui montre à quel point les morts sont vivants lorsqu’ils continuent de vivre en nous et que l’on se souvient d’eux. Les morts sont vivants, les vivants qui ne saisissent pas leur chance de profiter de leur vie pour être heureux sont plus morts que les morts, un pont relie les deux mondes, tout est lié, comme le montre la très émouvante scène de fin. C’est l’esprit de la fête des morts, dont Coco arrive parfaitement à extraire tout le contenu joyeux et philosophique, à l’usage de chacun, de ces petits comme de ces grands qui croient voir dans les étoiles un peu de leurs chers disparus.