Après un brillant Jesse James, qui alliait une esthétique lumineuse à un réel travail sur la psychologie des personnages, la déception est lourde. En voyant Killing Them Softly, on a bien du mal à saisir la parenté avec le précédent film de Dominik, excepté si on le considère cyniquement comme son revers, ce qui n 'est pas forcément hors de propos.
En effet, le déséquilibre du duel James/Ford qui cristallisait de féroces malaises et constituait un coeur dramatique toujours au bord de la rupture est ici maladroitement transposé dans une histoire de tueurs à gage très peu passionnante parce que laissée de côté pour faire la part belle (plutôt moche, à vrai dire) à une myriade d'effets visuels tous plus lourds les uns que les autres. C'est là je crois, le deuxième point de symétrie avec Jesse James. J'avais entendu des reproches faits à l'esthétisme outrancier du précédent film alors même que sa composition de cadres et de lumières était toujours tenue par une tension psychologique sourde tout aussi hypnotisante. A l'inverse, dans Killing Them Softly, l'ingénieur du son et le mec payé à faire des effets visuels ont carte blanche, vas-y teste des trucs, plein de trucs — parfois ça passe, souvent ça casse — et nique sa mère le scénar, nique sa mère les personnages, envoie du pruneau Bruno.
On aurait à la limite préféré se contenter de protagonistes vides jusqu'en être fantomatique, cela aurait fait illusion deux minutes quant à une éventuelle réflexion sur la perdition ou le désœuvrement, ou encore une oeuvre d'ambiance, pourquoi pas, je n'ai rien contre. Or, il n'en est rien, le film se veut porteur d'un message, un message honteusement préparé tout le film durant par des mises en contexte balourdes (télévision montrant des discours d'Obama, alors candidat à la présidence) dont le seul intérêt sera de conclure qu'aux US c'est plutôt "Chacun pour son cul" que "Vive la SECU". Breaking News, on s'en serait jamais douté.