Coldwater, c’est une sensaton étrange après la séance, où une légère douleur au fond du corps se mêle à une impatiente d’en savoir plus. Plus, sur le futur de Brad Lunders, plus sur la raison de ce massacre proféré par les gardiens et par les jeunes du camps. Plus, tout simplement.
Bien que ce soit une fiction, il est connu que ce type de centre existe aux Etats Unis, où comportements abusifs et matraquage d'esprit sont perpétrés. Mais la question qu’on se pose est pourquoi ? Pourquoi personne ne réagit ? Aucun parent ayant envoyé leurs enfants à Coldwater ne se pose de questions, aucun membre du commissariat essaye de comprendre ce qui se passe, alors qu’ils retrouvent souvent des gosses dans la forêt errant pour s’enfuir de cet enfer. Ni les services sociaux venus à deux reprises rendre «visite» au Colonel. Personne. Malgré les bleus, malgré la blessure gangrenée de l’ami de Brad, malgré le regard sous acide du docteur, personne n’émet la moindre hypothèse sur ce qui se passe réellement dans ce camp de redressement.
J’ai aimé Coldwater, j’ai aimé le silence, le peu de musique, cette ambiance à la fois glauque et timide. Non, vous n’y verrez pas des sévices corporels au point d’en avoir la nausée. Non, il n’y a pas de scènes de sexes, de tortures comme dans Dog Pound de Chapiron ou plus ancien, Scum d’Alan Clark. Les quelques moments de violences sont rapides, filmés au plus près des victime. On ne voit pas grand chose, et seule une scène m’a arraché une légère douleur, merci à l’utilisation des plans serrés et au peu de bruits.
Ces deux techniques nous permettent aussi de se rapprocher de ce qui se trame dans la tête du protagoniste.
La première partie du film est truffée de flashbacks, coupant de manière trop abrupte le temps passé à Coldwater. Les plans sont rapides, plus nombreux, les émotions des personnages, hétéroclites, les conversations plus longues.
Quelque chose de logique se met en place - plus on avance dans l’histoire, moins les retours dans le passé sont présents, plus le film devient silencieux, plus Brad Lunders s’enferme dans le mutisme propre à ce nouveau rôle d’éclaireur offert par le colonel. Pour survivre, il a perdu ce côté animal de la première partie du film. La seconde s’attarde donc sur un adolescent plus réfléchi, immobile, mettant en place cette ambiance que je qualifiais de silencieuse. A l’opposé de Brad, le colonel passe d’un homme stable, souhaitant redorer le dossier des pensionnaires, à un alcoolique sadique appréciant chaque jogging matinal comme un chasseur parti en quête de gibier.
Enfin, la troisième partie est un condensé des deux premières, où la sauvagerie reprend sa place et où tout explose en un violent massacre, que je juge un peu trop rapide. Brad abandonne son blason d’éclaireur, reprenant la vigueur qu’il avait lors de la première partie du film. Je trouve la scène de son retour dans le bunker, trempé de sueur face à ses camarades, particulièrement importante pour la suite du film. Lui qui était devenu immobile, assis sur son lit, assis dans la voiture du colonel, assis lors des déjeuners, redevient le garçon vivant, transpirant d'émotion et de douleur. Brad revit à travers ce massacre et cette libération offerte par ces camarades, aussi paradoxal que ce soit.
J'ai aimé Coldwater, j'ai tremblé à certains moments et j'ai suivi avec trop d'empathie, la descente aux enfers de Brad et de ses congénères, du Colonel et de ses adjudants, qui à la fin, se sont relevés et se sont libérés de cet univers "carcéral", morts ou vivants.