"Collision" est encore un bon exemple de film plus ou moins honni par la critique (du moins, celle qui compte...), et pourtant adoré par le public. Et le revoir permet de comprendre le pourquoi du comment. Ce qui est à peu près insupportable du point de vue d'un théoricien du cinéma, c'est la manipulation permanente des affects à laquelle se livre Paul Haggis, tant au niveau de son scénario choral à haute teneur en coïncidences improbables, qu'à travers une hyper-émotivité de la plupart des scènes, saturées de sens (ou comment l'Amérique comme melting pot se perd dans un racisme irraisonné et peu raisonnable) comme de sensations primaires (la peur, avant toute autre chose). Ce qui par contre séduit le grand public - et je ne m'exclus absolument pas de ce "troupeau" -, c'est la qualité de l'empathie avec ses personnages que Haggis fait naître : les personnages nous ressemblent dans leurs errements et leurs doutes, mais évidemment aussi dans leur générosité (c'est le côté feel good du film qui compense la noirceur de bien des scènes), et cette empathie, au final, triomphe sur nos réticences "intellectuelles". Après tout, la lucidité dépressive de Haggis nous transmet dans "Collision" une vision de notre devenir multiculturel qui a le mérite de poser les bonnes questions.
[Critique écrite en 2013]