Run, man, run.
Quand, petit con que j'étais, j'ai découvert Van Cleef, il s'appelait Sentenza et c'est lui que j'ai adoré. Tuco ensuite. (Blondin n'a jamais été ma came) Il avait la classe, une tige de chasseur de...
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le 29 août 2013
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Texas,19e Siècle.Cuchillo Sanchez,petit truand mexicain,est accusé du viol et du meurtre d'une gamine de 12 ans.Il s'enfuit mais Colorado Corbett,le plus efficace et le plus féroce chasseur de primes de la région,est lancé à sa poursuite.Voici un western spaghetti bien surestimé,qui contribue à entretenir la légende urbaine des trois Sergio.Le genre étant généralement assez acrobatique,on a mis en exergue le génie évident de Sergio Leone,mais comme c'est le bel arbre qui cache une forêt très déplumée,les aficionados lui ont adjoint deux autres réalisateurs opportunément baptisés du même prénom,les sieurs Corbucci et Sollima.C'est le second qui officie ici en tant que réalisateur et coscénariste mais non,Sollima ce n'est pas Leone,loin s'en faut.Il faut reconnaître que le film est techniquement bien gaulé,le cinéaste s'étant entouré d'une belle équipe,largement recrutée parmi les familiers de l'auteur de la Trilogie des Dollars.Sollima a ainsi coécrit le script avec un autre Sergio,Donati,scénariste sur "Et pour quelques dollars de plus","Il était une fois dans l'Ouest" et "Il était une fois la Révolution".L'acteur vedette est Lee Van Cleef,le méchant attitré de Leone,et la musique est carrément composée par le grand Ennio Morricone,inséparable de l'oeuvre leonienne.Pour parachever l'ensemble la photo a été confiée à Carlo Carlini,immense opérateur du ciné italien qui a travaillé notamment pour Fellini,Rossellini,Bolognini,Comencini et plein de mecs en i.De fait le spectacle est esthétiquement de grande qualité.Les décors sont superbes et variés,mis en valeur de surcroit par un magnifique Technicolor,et Sollima a un talent de filmeur incontestable.Il sait maîtriser les échelles de plans,les mouvements de caméra,les angles sophistiqués,c'est du travail léché bien soutenu par une excellente musique de Morricone.Mais il y a un léger problème,ce truc qu'on appelle le scénario.Certes Sollima et Donati respectent le cahier des charges du spag et nous collent des gueules patibulaires,des sols boueux,de la crasse,de la violence meurtrière allant parfois jusqu'au sadisme,plus un soupçon de sexe.Hélas,si les ingrédients sont là ils sont fort mal exploités,l'histoire se réduisant à une longue poursuite entre un chasseur et sa proie,l'intrigue s'auto-flinguant en versant délibérément dans un burlesque imbécile plus proche des pochades à la Hill-Spencer que de Leone.Tout est répétitif et si mal écrit que c'est en plus totalement prévisible.On devine en permanence ce qui va se passer à chaque épisode de cet épuisant road-movie.Ca commence dès la première scène,où l'on pige illico qui est réellement le mec qui attend les trois hors-la-loi,et ça continue tout du long.Le pédophile est ainsi identifiable dès qu'il apparait au début du film.On est dans une réception huppée et deux cow-boys viennent annoncer la commission du crime.Et là la caméra se focalise sur le visage d'un personnage secondaire qui fait une drôle de tête,c'est comme si on avait mis des lettres au néon tout autour de l'écran où aurait clignoté le mot "coupable!".Et ça continue ad libitum,chaque scène recelant son suspense éventé,de la jeune mormone qui monte dans le chariot pendant que Corbett braque son arme sur Sanchez et dont on voit bien ce qu'elle va faire à la fuite du ranch de Cuchillo ou son interversion des rôles avec le barbier,ou l'évolution des rapports entre les deux hommes,ou l'intervention du mexicain pour secourir son épouse,ou le résultat des ridicules duels finaux.Forcément,ce dispositif systématique aboutit à une fatigante suite de séquences qui voient Colorado rattraper Cuchillo avant que ce dernier,aussi malin que veinard,ne lui échappe à chaque fois de manière stupide.C'est rendu encore plus aberrant par le fait que Corbett est censé être le type le plus compétent dans son domaine alors qu'il se fait constamment humilier par une petite frappe.Les réactions des uns et des autres sont tout aussi marquées par la crétinerie la plus profonde,comme avec les employés du ranch manipulés comme des demeurés par Cuchillo ou leur patronne nympho qui ne prend que des décisions absurdes,sans parler de Brokston qui ne se rend pas compte que Corbett a retourné sa veste alors que c'est aveuglant,un Corbett dont on ne saisit pas très bien l'implication dans cette aventure qui lui est proposée sur la base de la promesse de le faire élire sénateur,poste.....qui ne l'intéresse pas.Et que dire de ce tueur prussien caricatural qui fait pouffer de rire alors qu'il est supposé faire peur.En l'état on est plus près de "La mort était au rendez-vous" du besogneux Petroni,qui sortira l'année suivante,que du fameux "Le bon,la brute et le truand" qui est de 66 comme "Colorado",ces trois films ayant Van Cleef pour vedette et Morricone pour compositeur.A propos de Lee,il est triste de le voir ainsi malmené sans qu'il réagisse,son personnage perdant toute crédibilité.Mais ce n'est rien à côté de l'invraisemblable numéro de cabotinage effréné que nous inflige Tomas Milian.Le cubain peut être un excellent acteur lorsqu'il est dirigé,ce qui n'est visiblement pas le cas ici,et c'est juste insupportable.Les seconds rôles ont des gueules marquantes mais en font des caisses,contribuant au climat clownesque de cette pauvre farce.Les auteurs instillent leur petite leçon de gaucho-moralisme via la dénonciation du sort réservé aux gentils mexicains,martyrisés par de vilains américains riches,cruels,affairistes escrocs et pédophiles pour faire bonne mesure,avec une touche supplémentaire de tiers-mondisme introduite par l'ancienne appartenance de Cuchillo à l'armée de Juarez qui a libéré le Mexique des Français.Une pointe d'ironie cinglante surnage toutefois,la relation entre le si sympathique mormon et l'adolescente,à mettre en perspective avec le crime reproché au fugitif.
Créée
le 28 sept. 2022
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