Derrière son aspect dramedie indé Colossal cache un grand film surprenant, riche et supérieur à bon nombre de blockbusters.
Il arrive de temps en temps que sorte de nulle part une petite bombe que personne n’avait vu venir. Colossal est clairement de ceux-là. Réalisé par Nacho Vigalondo avec un budget limité à quinze millions de dollars, le film s’en va défier les plus grosses productions hollywoodiennes, adeptes de films de monstres ou de super-héros, qu’il dépasse pour la plupart en termes de personnalité. Car COLOSSAL, c’est avant tout une histoire originale dont la richesse ne se laisse entrevoir qu’au fur et à mesure. Alors qu’elle est au chômage et que son petit ami (Dan Stevens) vient de la quitter à cause de ses problèmes d’alcool, Gloria décide de partir de New York pour revenir dans la petite ville de son enfance. Son premier contact sur place est Oscar (impeccable Jason Sudeikis) un ancien ami d’école qui lui propose un travail dans son bar. Elle passe ainsi ses soirées avec lui et ses amis, et rentre ivre chez elle sans aucun souvenir de la veille. Elle découvre un jour à la télévision qu’un immense monstre est apparu à l’autre bout du monde, à Séoul. Elle finit par comprendre être à l’origine de la créature qu’elle parvient à contrôler.
COLOSSAL aurait pu se limiter à un concept amusant d’une jeune femme capable de contrôler une gigantesque créature, et tourner autour durant une heure et demie. C’est d’ailleurs ce qu’on pouvait craindre devant la bande-annonce, pour autant très fun. En réalité, COLOSSAL ne cesse d’évoluer au fil de son récit et livre un superbe mélange des genres, entre le film de monstres et la dramédie indé. Tout en racontant la crise existentielle de son personnage, interprété par Anne Hathaway, plus sympathique et charmante que jamais, le film ne tombe pas pour autant dans les clichés. Au contraire, il parvient à laisser entrevoir des évidences scénaristiques pour mieux emprunter un chemin inverse. Ainsi, il ne faudra pas s’attendre à voir naître une banale romance entre Gloria et Oscar, ni à ce qu’un long travail sur elle-même permette de sauver son couple. Au contraire, le réalisateur Nacho Vigalondo mène son personnage à trouver son indépendance et à se découvrir une vraie force. La force d’arrêter de boire et de se prendre en main en se détachant des carcans des hommes qui l’entourent. Ceci se dévoilant dans des détails, a priori anodins. Comme ces innombrables meubles que lui apporte Oscar pour sa maison, jusqu’à rendre cet acte de bienveillance étouffant et malsain. De son côté l’utilisation de la créature apparaît comme une métaphore évidente de la société patriarcale. D’autant plus à à l’arrivée d’un second monstre venu défier et rabaisser Gloria.
Dès lors, là où COLOSSAL se montre le plus surprenant, c’est qu’il parvient, tout en développant des thématiques sociétales modernes et féministes – Nacho Vigalondo pointe autant la liberté sexuelle que la violence faite aux femmes -, à cocher les cases du film à grand spectacle. Comme dans tous les films de super-héros et/ou de monstres (on penche plutôt vers un Godzilla ou Pacific Rim), Gloria se retrouve confrontée à un némésis. Un ennemi qui prend forme de manière inattendue, et dont la psychologie s’avère parfaitement écrite. Chose de plus en plus rare dans les blockbusters d’aujourd’hui qui bâclent cet élément. Gloria devra alors toucher le fond avant de se relever et l’affronter à nouveau. Un respect des codes scénaristiques qui n’empêche pas le film de surprendre jusqu’au bout. Au final, COLOSSAL ose et réussi tout ce qu’il entreprend. Riche et, à sa manière, grandiose, il se place comme une des grosses surprises de l’année. Le seul regret aura été le peu de succès obtenu aux Etats-Unis (environ 4 millions de dollars au box-office) menant à une sortie en France en e-cinéma. Mais à l’instar d’un certain Scott Pilgrim, on se dit qu’après tout, c’est parfois le sort réservé aux films cultes.
Par Pierre Siclier pour Le Blog du Cinéma