Texas. Ses terres arides et désolées. Ses habitants froids et acculés. Un endroit où il ne fait pas bon vivre, mais qui fascine dès l'instant où David MacKenzie (Les poings contre les murs) pose sa caméra en filmant des paysages grandioses à coup de Nick Cave en fond sonore. L'immersion est totale.


C'est donc dans cet univers miséreux mais envoûtant qu'un beau matin, Chris Pine et Ben Foster, deux frères que presque tout oppose braquent une banque. Leur butin est dérisoire, leur façon de faire pas très professionnelle, il n'empêche : ils ont braqué une banque, et donc doivent donc répondre de leurs actes.


Et les conséquences sont simples : un vieux shérif bientôt retraité (Jeff Bridges) et son adjoint indien (Gil Birmingham) vont tenter de les débusquer. Si on peut y voir quelque chose de banal dans cette énième histoire de chasse à l'homme, la suite démontre à quel point nous étions à côté de la plaque.


Car le scénario de Taylor Sheridan (Sicario) est bien plus intelligent, plus subtil qu'une simple poursuite de malfrats/flics. En fait, il ne s'intéresse pas vraiment à ce pan de l'histoire, bâclant même hélas certaines parties. Non, le scénario de Comancheria préfère façonner ses personnages, les rendre tous aussi bien sympathiques que fous à lier, dans un endroit invivable au passé dur et violent et au présent perdu et vide de sens. Un endroit où le temps lui-même semble s'être arrêté, ravagé par l'arrogance des banques.


Ni héros, ni anti-héros, ils avancent comme ils peuvent, survivent malgré ce brin de vie à bout de souffle, et se permettent même de la causette sur un avenir bien sombre. Et c'est paradoxalement là l'un des propos principaux de Comancheria : l'héritage. Quand Chris Pine s'interroge sur le futur de ses enfants, Jeff Bridges se demande s'il ne préfère pas mourir avec cette dernière mission que se retrouver seul et aussi aigri que tous les autres.


Dans ces réflexions et ces états d'âme d'une tristesse authentique, les acteurs sont tous aussi brillants les uns que les autres. Captivant, sans une once d'humour, le duo Pine et Foster fonctionne sans anicroche : le premier sidère dans sa retenue tandis que le second détonne dans son impulsivité. A l'opposé, le tandem Bridges/Birmingham - salvateur - fait rire grâce au premier (il passe son temps à insulter son collègue) et émeut avec le second (qui manifeste sa mélancolie en clamant que l'Histoire est éternellement bafouée par un ennemi différent à chaque fois).


Mieux, quelques personnages ne font que passer par-là sans vraiment faire avancer le récit, mais marquent par la justesse de leur quotidien, lourd et implacable. A l'image de cette serveuse lambda, refusant catégoriquement de filer son pourboire de 200 dollars pour faire manger son gosse, ou ce cow-boy atterré qui ne comprend pas pourquoi, au XXIè siècle, il doit fuir avec son bétail pendant qu'un feu ravage tranquillement ses terres.


MacKenzie déploie une énergie folle dans cette amertume générale, et ne laisse presque jamais la tension redescendre. Il arrive à parfaire cette collision entre le western et film de braquage, sous une lumière aveuglante et au cœur de villes fantôme (mais terriblement armé), où cow-boys et indiens ne sont plus que des vestiges du passé, et qui n'a plus qu'un seul véritable shérif : l'or noir.


POUR LES FLEMMARDS : Sous le regard d'un Texas dévasté et à l'agonie, David McKenzie fait briller absolument tous ses personnages dans polar-western profond et authentique.

Djack-le-Flemmard
8

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le 12 sept. 2016

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