"Sometimes a blind pig finds a truffle"

Sorti en 2016 et réalisé par David Mackenzie, à partir d'un scénario de Taylor Sheridan (scénariste de Sicario), Comancheria est ce qu'on pourrait appeler un film de braquage. Les braquages de banques apparaissent dans des centaines de films depuis les débuts du cinéma. The Great Train Robbery, par exemple, remonte à 1903 ! Vous avez aussi L'Ultime Razzia (1956) de Stanley Kubrick, puis plus récemment Die Hard, Heat, Reservoir Dogs, Ocean's 11, The Town, The Dark Knight Rises ... je m'arrête là, la liste serait trop longue. Mais là où Comancheria se démarque de ses illustres ainés, c'est sur son approche originale d'une forme de criminalité en col blanc, avec les «crimes» bancaires et hypothécaires. Ajoutez-y les décors du Texas déjà vu dans Bonnie & Clyde ou There Will Be Blood et vous obtenez Comancheria.

Chris Pine et Ben Foster jouent les frères Toby et Tanner Howard. Ils tentent de sauver le ranch de leur mère décédée, qui est menacée d’une saisie par les banques du Texas. Plutôt que d’accepter l’une des offres de "désendettement" que l'on voit sur les panneaux d’affichage, introduites astucieusement et avec insistance dans de longs plans d’autoroute, les frères ont leur propre idée en tête. Ils mettent en place un stratagème qui implique des descentes tôt le matin dans les tiroirs-caisses des succursales des petites villes des Midlands du Texas. Mais la planification méticuleuse de Toby, en tant que frère calme et intelligent, risque constamment d’être bouleversée par les actions imprévisibles et violentes de son autre frère Tanner.

Étant donné que les sommes d’argent volées se comptent en milliers de dollars plutôt qu’en millions, le FBI n’est pas intéressé et l’affaire est confiée au ranger Marcus Hamilton (Jeff Bridges) et son partenaire Alberto (Gil Birmingham). Les deux hommes entretiennent une relation respectueuse, mais construite autour de plaisanteries raciales, Hamilton faisant constamment référence à l’héritage mexicain et comanche d’Alberto. Un jeu du chat et de la souris se met alors en place, les hommes de loi essayant de devancer les deux frères dans leurs plans. Les cordes du violoncelle (Nick Cave et Warren Ellis à la BO) laissent présager un final dramatique ...

Les performances des acteurs principaux sont toutes excellentes, Chris Pine ayant enfin l'opportunité de démonter tout son talent, bien plus que dans ses précédents rôles/films (Kirk dans Star Trek ou Jack Ryan dans The Ryan Initiative). Son alchimie avec Ben Foster est tout simplement sublime. De même, Jeff Bridges et Gil Birmingham forment un duo redoutable. Mais même si tous les acteurs sont parfaits, c’est Jeff Bridges qui a la performance la plus remarquable et qui d'ailleurs lui valu une nomination à l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle en 2016. Michael Shannon fut également nominé dans la même catégorie cette année là, mais pour Nocturnal Animals qui curieusement se déroule également dans le Texas.

L'autre gros point fort du film, c'est l'écriture de Taylor Sheridan qui est d'une grande intelligence. Son scénario est bien plus profond qu'il ne le laisse paraitre. Ce n'est pas juste un film de braquage. C'est aussi une étude minutieuse des laissés-pour-compte d'un autre monde, celui du Texas. C'est aussi une sociologie des élites délinquantes organisées en col blanc. Et puis les dialogues sont absolument délicieux et semblent si naturels. Les punchlines du duo Jeff Bridges et Gil Birmingham sont particulièrement savoureuses, mais celle que je retiens en premier, c'est celle de Chris Pine : "I've been poor my whole life, like a disease passing from generation to generation. But not my boys, not anymore." Il n'y a rien à rajouter, en une seule réplique vous définissez le personnage de Toby Howard. L'intérêt de tout ça, c'est de développer un certain degré d’empathie et de sympathie pour les personnages des deux côtés, les "gentils" comme les "méchants".

Bref, Comancheria c'est le genre de film qui, généralement, a du mal à trouver son public. Et pourtant, ce serait dommage de passer à côté. Il ne s’intéresse pas spécialement aux fusillades ou aux poursuites en voiture, comme on le voit dans tant d'autres films de braquage. Il vous donne une représentation de ce que la pauvreté et l’économie peuvent provoquer, même si vous n’essayez jamais de justifier le comportement des deux frères ou de leur trouver des excuses. Et puis, l’ensemble est magnifié par les grands paysages du Texas et une photographie sublime, sans oublier la BO envoûtante signée Nick Cave et Warren Ellis.

lessthantod
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le 31 août 2024

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lessthantod

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