Il fallait oser, Lubitsch l'a fait : débuter par un gros plan sur les pieds du mari au sortir du lit, ou plus exactement sur une chaussette trouée, révélatrice ô combien de l'état d'un couple qui bat de l'aile!


Car Monsieur, moustache agressive et oeil indifférent, ne comble pas sa chère et tendre, laquelle, petite poupée brune à l'oeil de braise ne rêve que d'amour fou, d'aveux, de désirs et de tendresse.


Alors quand le bel époux un peu naïf et peu aguerri de sa meilleure amie "just married" s'offre à son regard, la dame en manque jette son dévolu sur cet amant en puissance et ne le lâche plus.
Quiproquos, tromperies, portes qui claquent, quel beau vaudeville nous avons là!


Un couple qui s'éloigne, un autre qui se forme, amour et désamour, tentation et jalousie : Lubitsch impose sa griffe, rythme, élégance et intelligence, dans cette première comédie américaine très inspirée par Chaplin pour lequel il ne cachait pas son admiration.


Adolphe Menjou c'est le mari déçu, celui qui n'a qu'une idée en tête : reconquérir sa chère liberté, brisant les chaînes d'un mariage qui lui pèse, par un divorce qu'il appelle de ses voeux et que le tempérament volcanique d'une épouse insatisfaite lui laisse entrevoir.


Monte Blue, lui, est un jeune époux heureux et sincèrement épris, mais qui ne sait pas résister à la Femme tentaculaire et tentatrice, au désir non feint qu'il lit dans ses yeux, à ses avances explicites, à ses manèges on ne peut plus clairs, à son infernale rouerie tandis que sa douce moitié, qui n'a d'yeux que pour lui malgré la passion avouée de l'ami Gustav, par crainte d'être trompée fait justement entrer le loup dans la bergerie.


Un film qui fait de l'amour son sujet : la difficulté de le préserver, le manque d'amour, l'amour secret, et une étude étincelante des relations hommes femmes et surtout du couple qui même heureux doit à jamais composer avec la suspicion et le doute : une comédie lucide avant d'être romantique que j'ai regardée avec un infini plaisir.

Aurea

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