Avant le 9 août 2020, je ne vivais pas.
J'ai passé toute mon enfance et mon adolescence à me cacher, me demander ce qui n'allait pas chez moi. Pourquoi dès que je disais ou entendais "elle" en parlant de moi je sentais que quelque chose n'allait pas ? Pourquoi je faisais tout pour être pris pour un garçon, que jamais je ne corrigeais ceux qui se "trompaient" ? Pourquoi j'ai pleuré le jour de ma puberté ? Pourquoi j'étais si mal à l'aise en terme d'amour et de sexe ? Pourquoi je n'étais pas une femme comme une autre ?
Ces questions (et tant d'autres encore) tournaient dans ma tête comme un démon qui ne voulait pas se taire, et essayant de l'oublier, j'essayais de faire semblant d'être comme les filles que je voyais - même si cela me faisait souffrir. Pourtant même elles me trouvaient différent.
J'étais plus seul que jamais.
Mais j'ai cherché. Je me suis battu contre ma peur et ma honte d'être moi-même, et j'ai trouvé la réponse à toutes mes questions : je n'étais tout simplement pas une femme. J'étais un homme trans.
Le 9 août 2020, j'ai laissé une lettre à mes parents, coloriée avec les couleurs du drapeau trans, et je suis parti dormir chez un ami pour une nuit, en attendant leur réaction.
J'étais mort de peur. Mais pour la première fois de ma vie, je me sentais vivre. Et tout prenait sens.
Ce stress, cette liberté, ce sentiment unique en son genre, je l'ai revécu dans son intégralité dans ce documentaire. Pendant 1h, j'ai eu l'impression de refaire mon propre coming-out, et d'être avec ces gens dont je ne cesserai jamais d'admirer le courage. J'ai eu mal lorsqu'ils étaient rejetés, confus lorsque leurs parents restaient silencieux, euphorique lorsque ces derniers réagissaient positivement. Jamais un documentaire ne m'avait invité à prendre place à côté des personnes présentes et vivre un moment avec eux ; ce documentaire m'a pris par le cœur, par les tripes - ces moments je les ai réellement vécus. Ce documentaire est un moment d'humanité, l'un des plus sincères que j'ai jamais vu.
Peut-être que pour d'autres (les hétéros cisgenres ?) ce documentaire apparaîtra comme un simple assemblage de moments de vie, voire quelque chose d'inutilement dramatique ; pourtant, je suis persuadé que tous ceux qui ont vécu le coming-out vivront la même expérience que celle que j'ai eue en regardant ce documentaire car il est exact, il n'en fait jamais trop ni trop peu et traite les personnes avec respect - avec un peu de montage, ça aurait été facile de faire apparaître ces gens comme ridicules ou tout simplement de minimiser les coming-out où la personne se fait rejeter, mais jamais il ne le fait.
C'est rare d'avoir quelque chose d'aussi juste, exact et compatissant sur nous, les LGBT+. Alors merci pour ça.
Alors oui, je rêve d'un monde où l'on aurait pas besoin de faire de coming-out pour dire au monde que l'on est lesbienne, gay, trans ou bi. C'est pourquoi, pour finir, je laisserai cette phrase dite par l'un des protagonistes du documentaire, un russe ayant dû fuir son pays car il était gay :
"Nous ne faisons pas notre coming out pour que les hétérosexuels le sachent. Nous ne faisons pas notre coming out pour que les croyants le sachent. Nous ne faisons pas notre coming out pour que ceux qui nous haïssent le sachent. Nous crions, nous faisons le plus de bruit possible, pour que les personnes comme nous, qui ont peur et ne peuvent pas être elles-mêmes, sachent qu’elles ne sont pas une erreur, qu’elles ne sont pas seules."