Gagarine, c'est un espoir. C'est l'espoir fou d'un homme qui tente de sauver la seule chose qui lui reste alors que tout part en poussières : sa mère absente non seulement de sa vie mais aussi du film, les autres habitants de la cité qui partent, sa copine
obligée de partir avec sa famille,
le seul autre habitant restant qui
se jette du roof
... La cité devient toute sa vie, et il va la transformer en son rêve.
Gagarine, c'est une esthétique changeante, et pourtant : que ce soit en tant que cité "lambda" (au début), en tant que vaisseau spatial handmade, ou, dans ses derniers instants, en tant que spectacle, l'esthétique de cette citée est toujours parfaite. Tout est magnifique, et jamais aucun plan, aucun détail ne déçoit.
On peut d'ailleurs noter non seulement le travail remarquable de la décoration et de la lumière, mais aussi celui du son : la BO arrive à toujours coller à cette esthétique changeante, elle rajoute de la vie à ce qui n'était pas vivant et, posée sur des vinyles, elle donne des moments de répit aux personnages et à nous - oui, j'ai eu envie de me lever de mon siège et de danser avec Dali, de vivre et rire avec eux au milieu de cette fausse chambre spatiale pleine de courgettes.
Gagarine, c'est une histoire d'amour. Entre Diane et Youri, entre la cité et ses habitants : cet amour est tellement bien retranscrit à l'écran que l'on croit la cité vivante - et au fond, on pourrait presque se demander si elle ne l'était pas vraiment. Il y a une histoire, des souvenirs attachés à elle, et même si elle n'existe plus, les anciens habitants se sentent toujours comme des habitants de Gagarine.
La cité Gagarine est restée dans les mémoires comme quelqu'un que l'on aurait connu, et jamais je n'avais vu un film aussi bien retranscrire ce sentiment unique d'attachement à un lieu, à un vécu, à des sentiments qui vont au-delà des briques, des rues, des adresses, et cette rage quand on cherche à l'enlever, quand les autres agissent comme si rien de tout ça n'existait.
Quand mes parents m'ont annoncé qu'on allait bientôt quitter l'appartement dans lequel j'ai vécu toute ma vie, j'ai failli hurler. J'ai pleuré, j'ai pris des photos en panique, je me suis demandé si c'était raisonnable de couper des petits bouts de murs pour garder un souvenir. Et je me pose toujours la question aujourd'hui, car je suis toujours dans ce sentiment d'attente et d'espoir fou, presque idiot, qui traverse le film : une fois que la sentence est annoncée, on sait que Gagarine va être détruite, et pourtant on continue d'espérer qu'elle continuera d'exister, comme une obsession dont on n'arriverait pas à se défaire.
Car après tout, quand on parle plusieurs fois d'un immeuble, on dit "lui".