Faire rimer poésie avec banlieue et coïncider béton avec fantaisie, en voici une entreprise audacieuse, telle que Gagarine se propose de la mener à bien dans une approche cinématographique bien loin de l'imagerie commune des cités. Il faut se laisser entraîner dans cette rêverie à ciel ouvert et le film parvient assez souvent à nous transporter dans cette cité de l'espace, notamment par sa qualité esthétique, cette manière de trouver de la beauté dans des immeubles pourtant a priori sans grâce aucune. En termes de mise en images, Gagarine est une réussite incontestable, originale et innovante dans ses angles de prises de vue. Mais évidemment, le film n'est pas qu'onirique et il fallait bien se colleter au réel, montrer la solidarité d'une population menacée d'expulsion et les combats non-violents menés en forme de résistance contre une démolition programmée. Là, le film est nettement moins à son aise, ne parvenant pas à construire un scénario charpenté, la continuité du récit semblant peu fluide et souvent maladroite, insistant sur une histoire d'amour naissante qui semble surgie de nulle part (de l'espace ?) même si la présence radieuse de Lyna Khoudri, pour toujours Papicha, incite à l'émoi. A vrai dire, les réalisateurs de Gagarine ont bien du mal à connecter les deux aspects antagonistes du film : son extravagance d'un côté et son souci de réalisme, de l'autre. Le pari, il est vrai, était difficile à tenir mais le long-métrage, à défaut de nous mettre totalement en orbite, arrive de temps à autre à nous faire décoller de la terre ferme. C'est déjà cela de pris.