Bruno Podalydès c'est beaucoup de choses à la fois. Et ça va dépendre des gens.

C'est soit l'éternel second de la fratrie parce qu'on voit moins sa gueule que celle de Denis.

Soit le meilleur des papas Ducobu.

Soit un inconnu dont on retient vaguement le nom parce qu'il a une sonorité de méchant de Tintin.


Et puis il y a le Bruno Podalydès de ceux qui l'aiment, le vrai, le fantastique. Soit les bateaux, les avions, la ville, la nature, le rêve, l'amour, le sexe, l'absurde, le mélancolique, Tintin, les glavioles, la bande de potes et le frérot.


Podalydès c'est typiquement ce genre de réalisateur qui j'aime. Et si cette critique ressemble à une lettre d'amour que je lui adresse, c'est normal. Je suis tombé amoureux de son cinéma en voyant son premier long-métrage par hasard sur Arte. Je venais de voir "Ma Vie Sexuelle (Comment je me suis disputé)" et je m'attendais à une redite, mais pas du tout. C'était tout bonnement fantastique. C'était unique, drôle, léger, si subtilement fantasque...je l'ai revu dès le lendemain tellement j'avais adoré. Et j'ai d'ailleurs encore espoir de mettre la main sur la version de 6h dont je rêve secrètement la nuit.


J'ai naturellement eu envie d'enchaîner ses films, chose que j'ai faite en 1 mois.

Je ne vais pas détailler tout les visionnages mais dans l'ensemble c'était franchement incroyable. Pas uniquement parce que chaque film est très bon, mais aussi et surtout parce que ça permettait de mieux comprendre l'univers du réal, ses thématiques, son évolution, son cinéma quoi.


Et on en vient donc à Comme un Avion, son 7ème film, et sans doute son meilleur.

Et si j'ai décidé de parler de celui-ci pour décrire mon amour au monsieur, c'est bien parce qu'il condense tout son cinéma à lui tout seul.


Comme un Avion peut être vu comme une relecture plus réfléchie et raisonnée de Liberté-Oléron. Ceux qui l'ont vu se souviennent de ce final ahurissant aussi drôle que terrifiant, avec une vision très sadique et punitive de cette thématique de l'obsession déraisonnée.

Le père fait une fixette, sa bêtise mêlée à ses bons sentiments ne peuvent lui offrir la félicité. Et Podalydès le clame haut et fort en malmenant toutes les victimes de cette obsession dans le film (le père compris) dans un torrent de rage et de désillusion, frôlant le fait divers morbide.

Comme un Avion part du même postulat. Un homme s'emmerde, ne s'épanouit ni dans son travail, ni dans sa famille.

Il rêve d'aéropostale depuis toujours, mais n'ose franchir le pas. C'est une obsession installée depuis toujours, sans doute saine, mais stérile. Et un jour, au détour d'une discussion sur les palindromes, il découvre l'existence du kawak. Et c'est l'illumination. Un bateau, encore, ça promet.

Sauf qu'ici, c'est très solitaire. Et on sent que le personnage a besoin de cette solitude. Il se sert de ce nouvel intérêt comme substitut aux avions, et s'envoler vers de nouveaux horizons.

La préparation du voyage est toujours très drôle, un mélange d'investissement passionné (le monsieur étant très matos) et une maladresse si Podalydèsienne qui fonctionne toujours autant.


Puis c'est le grand départ.


Et là c'est absolument fantastique.

Parce que si Liberté-Oléron prenait un chemin tout tracé jusqu'à une explosion finale prévisible dans sa conclusion mais bluffante dans son intensité....ici la surprise est la plus totale. Et je trouve ça merveilleux.


L'aîné Podalydès (qui se donne d'ailleurs le premier rôle de son film pour la première fois de sa carrière, prouvant d'autant plus le caractère ultra personnel de ce film) a bien grandi. Sa vision de la liberté n'est plus la fougue, la solitude, les décisions sur un coup de tête qu'on finit forcément par regretter. Le personnage n'est pas condamné à suivre ses lubies, à détruire son univers, pour que finalement tout le ramène à lui dans un fracas fataliste.

Non, ici tout est plus sublime de banalité.

Le personnage ne semble jamais aussi joyeux qu'on discutant de bêtises avec des inconnus. En faisant des jeux de mots qui ne font rire que lui. En s'endormant dans l'herbe le sourire au lèvre. En mangeant des cerises à la mémoire d'un homme qu'il ne connait pas.

Tout sent les vacances. Dans ce soleil, cette verdure, ces musiques, ces personnages.

C'est fou à quel point quelque chose de si réaliste peut sembler hors du temps, hors de tout.

Podalydès et sa naïveté rêveuse fait d'ailleurs découvrir cet univers à son personnage et ses spectateurs vis un draps qu'on soulève pour faire apparaître la magie.

Ensuite on va se chercher des excuses pour rester, et chaque départ déchirant aboutit forcément à une situation fantastique (prétexte ou destinée ?) pour retourner dans ce coin de paradis si vivifiant.

C'est à la fois très drôle et très beau comme construction. C'est surprenant et en même temps d'une justesse et d'une logique admirable.

C'est là qu'on voit que tout le cinéma du Monsieur explose et se répond de la plus belle des manières.

Un délicieux pas de côté qui parle de tout, de rien. Qui semble nous dire que les surprises sont là où on ne les attend pas. Que ce doux fatalisme qu'il aime à nous répéter peut parfaitement être contré en s'autorisant une pause. Qu'on peut feinter le destin grâce à ces chemins de traverse.

Qu'ici l'adultère peut être compris et accepté. Qu'on peut danser sans avoir cette honte et ce dégoût de soi qu'on exprime au début du film.

Qu'on peut s'envoler sans avion, et sans bateau.

Résumer tout ça peut sembler bien naïf, peut être même niais, mais dans le film ça ne l'est jamais.

C'est un faux road trip où on voyage plus en étant sur place qu'en finissant échouer dans un fossé.

Un voyage survivaliste où on boit du rhum en mangeant du confis de canard.

Un parcours plus personnel que géographique.

Donc ce n'est pas niais. C'est fantastique.


Et je conseille au monde entier d'aller voir cette petite merveille. Même si ça nécessite de voir tous les autres films du réal pour réellement comprendre la beauté de cette oeuvre.

Ses autres films sont très bons, donc l'exercice est tout sauf déplaisant. Mais rien que pour aboutir à cette synthèse sublime, ça vaut la peine.



Le film se finit d'ailleurs sur une inévitable touche de mélancolie, douce amère. On devient immédiatement nostalgique, alors qu'on quitte à peine ce cocon ensoleillé. C'est fort.. Une boucle, un pas de côté, tout le monde a grandi, tout le monde a cessé d'exister pour mieux vivre. Reste à voir ce qui se passe ensuite...



Dans tous les cas, ce qui c'est passé dans ces 105min c'est du cinéma dans ce qu'il a de plus pur et de plus humain.


C'est merveilleux

Créée

le 4 avr. 2024

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Sacré_vandale

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