La boucle temporelle est devenue un genre en soi. Initié par Groundhog Day et souvent utilisé dans le registre comique (Palm Springs), transposé dans la SF d’action pour Edge of Tomorrow et Source Code, en série pour Russian Doll, ou dans l’horreur pour Happy Deathday et sa suite. Voir une approche nippone du concept a de quoi réjouir tant le pays du soleil levant est le berceau d’idées aguicheuses et novatrices, notamment lorsqu’il s’agit de jouer avec la temporalité. En témoigne le récent et foutrement malin Deux minutes plus tard qui rivalise d’ingéniosité pour trouver du nouveau dans un exercice dont on pensait avoir fait le tour.
Le réalisateur Ryō Takebayashi n’est pas dupe, il sait que le spectateur connaît le principe, et rentre directement en matière, faisant même de ses protagonistes des personnages conscients du phénomène dans le cinéma et se basant sur certaines des œuvres citées plus haut pour essayer de s’extirper de leur éternel recommencement. On évite ainsi toute la phase d’exposition souvent laborieuse pour rentrer directement dans le vif du sujet. Et c’est là que rentrent en jeu les différentes déviations du format classique.
Akemi est une publicitaire (quelle tannée), et tout comme ses collègues, sa relation au travail est représentative d’une situation purement japonaise. Se tuer à la tâche en bossant les weekend et en dormant sur place paraît normal, tandis que la distanciation créée par les rapports hiérarchiques est insurmontable. Les personnages hésitent même à sortir de la boucle au vu du temps que cela leur donne pour avancer sur leurs projets professionnels. Autant dire que moi qui ne laisse jamais ma vie professionnelle empiéter sur ma vie personnelle (c’est plutôt le contraire au vu du nombre de critiques que j’écris sur mes horaires de bureau), ça me paraît aberrant. C’est cette aliénation qui est au cœur du récit, celui-ci prônant de cesser de perdre son temps et son énergie dans des futilités pour se concentrer sur nos rêves enfouis, libérer son imagination par un respect de sa propre individualité et des aspirations qui l'accompagnent.
Un message anticonformiste sur l’archipel, mais qui reste somme toute assez sage et naïf. Mais ce parti pris de la légèreté est en adéquation avec la tonalité globale de l’histoire, drôle et touchante, où les personnages sont des archétypes efficaces et solidement interprétés. Cette lutte contre le train-train ronflant et phagocytaire arrive comme une dose de bonne humeur et de bienveillance qui fait ressortir le spectateur de la salle avec un grand sourire.
Comme un lundi ne sera pas le film de l’année, mais il gardera une petite place bien au chaud dans mon inconscient cinéphile, et me verra sûrement y retourner dans le futur.