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Imaginez, vous vous réveillez un matin sur votre lieu de travail. Qu’est-ce que vous fichez là ? On est quel jour… dimanche ? Eh non, c’est lundi et une nouvelle semaine de travail débute à peine…


Voilà ce qui arrive à une équipe d’employés d’une petite société japonaise qui travaille pour des campagnes publicitaires dans les médias. L’objectif du moment, c’est de trouver les arguments vendeurs pour un tout nouveau produit révolutionnaire : des cachets effervescents qui, plongés dans de l’eau, reconstitueront une soupe miso. On imagine qu’il vaut mieux utiliser de l’eau chaude. Par contre, l’effervescence semble pour le moins incongrue. L’énormité apparaîtra peut-être davantage auprès d’un public asiatique, mais quand même. Pour ces jeunes publicitaires, la motivation n’est donc pas au top. Résultat, le travail n’avance pas et tous ont l’impression de vivre un cauchemar sans fin. Heureusement, dans le groupe, deux d’entre eux voient les choses autrement.


En effet, ils ont compris que les mêmes micro-événements se reproduisent régulièrement et ils considèrent qu’avec le groupe ils sont coincés dans une boucle temporelle. En d’autres termes, ils sont condamnés à revivre éternellement la même semaine.


Une semaine sans fin


On l’aura compris, la trame de ce film rappelle fortement Un jour sans fin (Harold Ramis – 1993) où Bill Murray revivait le jour de la marmotte à Punxsutawney et tentait désespérément de séduire sa collègue journaliste, la charmante Andie MacDowell. Le film d’Harold Ramis est cité, le réalisateur (Ryo Takebayashi) sait donc parfaitement qu’on ne passera pas à côté de la référence et il l’assume. Il en joue même un peu, tout en ayant le bon goût de s’en affranchir à sa façon. L’une des difficultés pour un tel film réside dans les inévitables effets de répétition. Takebayashi s’en tire parfaitement, en choisissant quelques éléments qui lui permettent de présenter des variations qui amusent, alors qu’elles pourraient agacer. Et, au lieu de vraiment se concentrer sur ces effets, le film s’intéresse à quelques protagonistes. Étant donné que tout se passe dans une vaste salle où travaille un groupe d’une dizaine d’employés sous la houlette d’un chef, il est assez simple de mettre ce chef sous observation. L’autre personnage principal est une femme qu’on découvre chef de projet. Elle a un impératif en temps : livrer à l’agence cliente un projet convaincant de campagne publicitaire. Et puis, nous avons les deux employés qui ont compris que le groupe est piégé et qui s’attache à convaincre l’équipe de ce qui se passe, pour agir en conséquence.


Le film se distingue donc d’Un jour sans fin en particulier parce que ses protagonistes cherchent le moyen de sortir du piège temporel en comprenant pourquoi ils y sont (alors que Bill Murray cherchait plutôt à en profiter). Pour cela, ils s’attachent à convaincre leurs collègues de ce qui se passe.


Petites failles temporelles


On pourra reprocher au film de négliger certains détails qui peuvent faire dire aux spectateurs réticents (comme les collègues à convaincre) que cela ne fonctionne pas vraiment. Ainsi, pourquoi deux individus comprendraient qu’ils sont piégés dans une boucle temporelle et pas les autres ? Pourquoi réussissent-ils progressivement à convaincre les autres ? Sans oublier qu’à chaque nouvelle semaine, ils devraient avoir à convaincre à nouveau tout ce petit monde. Et puis, lorsqu’ils réalisent qu’ils ont suivi une fausse piste, la logique devrait leur inspirer quelque chose de fondamentalement différent. Ensuite, lorsqu’ils comprennent effectivement quel est le souci, on peut se demander pourquoi la boucle se met en place précisément sur cette semaine. Sans compter que ce qu’ils font pour en sortir prend du temps. Le film montre cela comme si ce travail avançait indépendamment du piège temporel.


Heureusement, le film est suffisamment rythmé pour qu’on passe sur tous ces détails car, globalement, le scénario fonctionne.


L’aliénation par le travail


Cosigné Saeri Natsuo et Ryo Takebayashi, le scénario a également le mérite de jouer avec bonheur avec ce que nous connaissons toutes et tous des ambiances au travail. Dans un groupe comme celui présenté, il y a ceux qui font avancer les choses et ceux qui se contentent de suivre le train en marche. Sans compter le chef qui en gros ne fait que surveiller tout ce petit monde et finit par se ridiculiser par son enthousiasme de façade. On observe un peu les contraintes de la vie en openspace, mais ce qui intéresse plus particulièrement le réalisateur, c’est de faire sentir les effets de l’aliénation par le travail, ce qui semble bien adapté à la mentalité japonaise qui fait de toute entreprise une deuxième famille pour ses employés. Ainsi, on sent que tant que le projet ne sera pas ficelé, il n’existera aucun répit pour les employés. Or, ce projet, c’est du pipeau. On leur demande donc de trouver le moyen de vendre un projet sans intérêt, ce que l’un d’eux ne manque pas de signaler. À la base, on tourne donc déjà en rond. L’impression d’un piège avec un projet inintéressant qui ne trouvera jamais de solution satisfaisante vient de là. Le monde du travail regorge de situations analogues ! Je pense aussi à celles et ceux qui voient leur hiérarchie demander d’agir dans un sens un jour, pour demander l’inverse un peu plus tard. Sans compter tous ces projets qui mobilisent beaucoup d’énergie et de temps à un groupe de personnes pour se trouver abandonnés au bout d’un certain temps, parfois même sans qu’on sache vraiment pourquoi (ni de l’initiative de début ni de celle de fin).


Bien que mineure, une réussite


Là où le film marque des points, c’est en faisant sentir qu’une équipe fonctionne d’autant mieux qu’elle sait où elle va et qu’elle en comprend l’intérêt commun. Dans ces conditions, les motivations individuelles se fédèrent et l’énergie mise en commun (synergie) s’avère positive. Outre la satisfaction de mener à bien quelque chose de constructif collectivement, chaque individu y trouve son compte. À ce titre, je considère que la scène pendant le générique de fin pouvait aller bien au-delà de ce qui est proposé, soit un simple clin d’œil à la situation de base alors qu’il y avait moyen de boucler la boucle pour de bon.


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Electron
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le 6 mai 2024

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