Vous allez vous prendre une claque, peu importe si elle vous fera mal, si elle vous plaira, qu'elle soit minuscule ou gigantesque, la gifle que représente Comment c'est loin vous touchera forcément la joue.
De retour aux côtés de son ami et acolyte Gringe, Orelsan rend ici un premier long métrage qui signe définitivement une amitié sincère et une histoire d'amour musicale entre deux mecs, qui ne se sont jamais séparés. Inspiré donc de sa propre vie et celle de son ami, le jeune trentenaire raconte les péripéties tragi-comiques de ces deux protagonistes se noyant dans un ennui grandiose et menant une vie des plus ordinaires. Désireux de percer dans le rap, ils n'ont cependant rien foutu depuis des mois et pas un seul morceau n'a vu le jour. Leur label décide de les lâcher par manque d'investissement, ils leur laissent cependant vingt quatre heures pour rendre un morceau digne de ce nom, sinon les liens sont rompus. Ce film se veut comme une démonstration amicale, qui nage entre conflits d'égo, désaccords, manque d'ambition et difficultés à se comprendre. Tout ça porté par une joie pugnace qui déborde toujours dans leurs sourires timides. Leur existence est sans fond, endormante, presque assommante. Rien ne se passe, ou ce qui arrive n'est qu'ordinaire.
Avec une nonchalance du jeu d'acteur qui d'ailleurs est tellement affinée et bien interprétée qu'on pourrait croire a la supercherie et penser qu'ils ne se savent pas filmer. C'est une histoire de jeunesse, Gringe trompe sa copine et se noie dans des histoires glauques avec des prostitués ou des inconnues, et Orelsan lui est noyé dans l'alcool dès 8h du matin après avoir fini sa nuit en tant que veilleur d'hôtel. Rien n'est lumineux dans leur histoire sauf ce qui les unie. Décidés à la dernière minute à rendre ce morceau, ils vont affronter plusieurs difficultés et obstacles avant d'espérer y arriver. Cette traversée du désert d'un extrême à l'autre donne le résultat d'une affection sincère et d'un espoir qui ne sera jamais vain.
C'est une belle histoire, mais c'est surtout celle de n'importe qui. A travers les personnages de ce conte moderne se retrouve qui veut bien s'y mettre, qui veut bien se laisser porter par la vie plutôt que de tenter de l'a faire basculer. Nous sommes tous ces deux mecs perdus et affranchis de tout espoir. Mais nous sommes, comme eux, tous capables de faire quelque chose. Ce n'est même pas une morale, c'est un esprit de camaraderie qui dépasse toutes les autres règles du jeu.
Si tu essaies de jouer, tu seras forcément gagnant, c'est ça, le message qui en ressort.
La sincérité de ce film passe par des surprises scénaristiques de taille, par l'émotion d'une grand mère qui participe à l'histoire sans le savoir, par les cris d'un ami qui est d'une folie rocambolesque, par des punchlines piquantes et d'une drôlerie exquise.
Avec une bande originale à son image, écrite avec sa plume et celle de son copilote, avec leurs voix qui forment une connivence sincère, les textes poétiques et cinglants des titres du film mais également de l'album sont chacun, forme de talent brut.
Comment c'est loin est d'un lyrisme authentique, soutenu par une photographie des plus réalistes et signée Offenstein (réalisateur d'En Solitaire, et directeur de la photographie de dizaines de longs-métrages dont Les Petits Mouchoirs, Ne le dis à personne...), et surtout donne l'envie qu'Orelsan n'arrête jamais de faire ce qu'il fait : Oser.