Et pourtant j'y étais allée tête baissée... !

M'ayant déçue avec Les Infidèles (2012), touchée avec Elle s'en va (2013), Emmanuelle Bercot m'a cette fois étonnée avec La Tête haute (2015). C'est un film tricheur et parfois cliché mais écrit avec subtilité. Entre violence et souffrance, le jeune Malony (Rod Paradot) est plongé dans le monde chaotique de la justice, nage entre des procès, centres d'accueil, séjours de rupture et des séances avec Florence Blaque, Juge des enfants en charge de son dossier (Blaque qui est d'ailleurs jouée par Catherine Deneuve, toujours aussi juste et émouvante.). Malony suffoque dans cette ambiance étouffante et ne vit que pour sa mère, qui elle, ne vit que pour les autres. Une histoire compliquée en somme. Le film est réussi, malgré quelques intrigues pas suffisamment exploitées (la mort du père, les raisons de ce parcours familial bordélique) et d'autres pas nécessaires, mais La Tête haute pousse dans leurs retranchements, chacun des personnages et les interroge sur leurs choix de vies et leurs ambitions. Tout est question de futur. Mais surtout, le film pose le problème de l'éducation. Comme l'a fait Destin Cretton (réalisateur de States of Grace, racontant les aventures d'une jeune éducatrice dans un foyer d'enfants) avant elle, Emmanuelle Bercot livre aux spectateurs l'envers du décor du monde tant professionnel qu'humain du secteur social. Elle nous montre ce que nous savons sûrement mais que nous faisons le choix d'ignorer. En fait Bercot nous pousse nous aussi, à nous questionner sur notre propre éducation et celle de nos enfants. Là est sa force première, elle nous balance en pleine gueule cette vérité que nous ne voulions pas voir, cette sueur sur le front des éducateurs, cette difficulté de prendre des décisions même lorsque c'est notre métier. Métier subliment représenté par Benoît Magimel qui a trouvé sa place dans les rôles dramatiques. Bien dans ses bottes, il nous joue Pascal le grand frère mais en mieux, en vrai. Et il le fait bien. Accompagné de Sara Forestier, Diane Rouxel ou encore Martin Loizillon, tous s'assemblent et rendent un film légitime.
Seul bémol : quelques stéréotypes qui viennent entacher le destin de Malony. La morale de l'histoire débarque un peu comme un slogan des années 50 criant " La paternité fera de toi un homme mon fils", comme si sa seule façon de grandir était de devenir père. La fin du film par un nouveau commencement qui m'a semblé comme le raccourci d'un destin prometteur dont la paternité n'est pas le seul élément fondateur.


La Tête haute est cependant un film solide, qui exprime des points de vue nuanciers et qui nous permettent à nous, spectateurs, de mieux comprendre et ressentir la difficulté que c'est, de devenir quelqu'un quand personne ne nous à montré comment faire.
Pour finir, je lève mon chapeau à l'interprétation magistrale de Rod Paradot, qui émane d'une vulnérabilité puissante et d'un talent monstrueux. Génie d'autant plus grand que le jeune homme de 19 ans n'avait pas prévu de monter sur les planches.
Respect.

sarahbcp
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le 1 avr. 2016

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Sarah Beaucamp

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