"Ecoute bien ce que je vais te dire, parce que je vais te le dire une fois"...

Le "film générationnel" est un genre qui a donné quelques œuvres incontournables.
Ainsi, les années 70 nous avaient donné "La Maman et la putain" (J.Eustache, 1973) et les années 80 "Les Nuits de la pleine lune" (E.Rohmer, 1984).
Pour les années 90, qui d'autre qu'Arnaud Desplechin, le plus emblématique des "jeunes cinéastes français" (ou "Nouvelle nouvelle vague") pouvait relever le défi ?

Bien sûr, le point de vue, avec un tel sujet, ne peut qu'être partial : toute la jeunesse des années 90 ne se reconnaîtra donc pas dans "Comment je me suis disputé... (Ma vie sexuelle)". Mais Desplechin, même s'il montre essentiellement une bourgeoisie parisienne centrée sur elle-même, s'évade aussi vers des ailleurs plus universels (idée - et utilisation - géniale que l'extrait de "Daphnis et Chloë" de Ravel).

Mais le vrai point fort du film, c'est bien sûr son casting : ce film est au moins celui d'une génération d'acteurs. Mathieu Amalric, Jeanne Balibar, Chiara Mastroianni, Emmanuelle Devos, Denis Podalydès... Tous, ou presque, ont aujourd'hui marqué le cinéma de leur empreinte personnelle.
Le "funambulisme" d'Amalric (qu'il portera d'ailleurs au sommet, 10 ans plus tard, dans "Rois et Reine", du même Desplechin), le jeu décalé et déjà unique de Devos (c'est un régal de la voir ici jouer sur plusieurs registres, du comique au tragique), la présence "borderline" (réellement inquiétante) de Balibar, l'humanité lunaire de Podalydès (développée dans l'irrésistible "Liberté-Oléron" de son frère Bruno, en 2001)...

Bref : tout concourt à donner à "Comment je me suis disputé...", sinon sa valeur artistique (on peut ne pas adhérer aux affres de ces jeunes adultes qui semblent se faire bien des noeuds au cerveau pour pas grand chose !), du moins une valeur documentaire indiscutable, quant à ce générique impeccable, véritable catalogue de jeunes grands acteurs en devenir.

Au fond, ce film est un état des lieux, dans tous les sens du terme.