Présences en force
À ma droite, Ivan Torres. Profession : acteur. Professeur d’arts dramatiques et vedette de théâtre, reconnu par la critique, il évolue aussi loin que possible du faste hollywoodien qu’il méprise...
Par
le 2 juin 2022
21 j'aime
4
Comédie acerbe, plongée en apnée dans l'échafaudage d'un film: deux acteurs que tout oppose sauf la dimension gargantuesque de leurs égos, le tout financé par un richissime grabataire prêt à tout - - pour une parcelle d’éternité. Un faux air de Paolo Sorrentino (plus particulièrement pour La Grande Bellezza et Youth) . Pourtant, c’est aussi dans ses différences avec d’autres œuvres pré-existantes que le film se distingue. Qu’on se le dise, il n’est ni aussi méta que les Acteurs de Bertrand Blier, ni aussi radical que Holy Motors de Leos Carax, par exemple. A la fois très drôle et très bien écrit, Compétition Officielle exécute avec beaucoup de précision ce que son scénario semble vouloir analyser. On aura parfois l’impression d’un film qui énoncerait un peu trop ouvertement ses intentions, notamment par ses dialogues, ce qui aurait pu donner au rendu final un goût de théâtre filmé où le verbe serait l’unique vecteur du récit.
Néanmoins, Dupras et Cohn parviennent à éviter cette embûche en alignant des idées de mise en scène toutes plus ingénieuses et surprenantes les unes que les autres. Si ce dispositif peut potentiellement laisser une impression de catalogue de sketchs, il permet surtout de constamment générer du rire et de la poésie, ainsi que d’éviter des longueurs de visionnage tout en laissant le génial trio d’acteurs (également producteurs exécutifs) libre de s’amuser en toutes situations. Meneuse de ce bal d'égos infernal, Cruz se montre brillante dans un rôle où on ne l'a que trop peu vue : mégalo, insupportable, castratrice, dépendante et désorientée; comme l’est ce musée : froid, malgré ses couleurs chaudes, sans âme, barricadé de murs inutiles, comme nos peur les plus intimes, où rien n’est accroché.
En comparaison de sa dimension comique rondement menée, le propos du film peut parfois demeurer en surface, dressant des portraits finalement assez prévisibles de ses personnages (le vieux prof de théâtre austère meurt d’envie qu’on lui serve des honneurs afin de pouvoir les refuser publiquement et la star planétaire, précisément parce qu’elle plaît à tout le monde, est hantée par la crainte de ne plaire à personne). Néanmoins, l’alchimie exemplaire du casting, qui ne fait qu’une bouchée du script, ainsi que le fonctionnement en quasi-huis clos (la majeure partie du récit se concentre sur les répétitions précédant le tournage) compense plus que largement quelques facilités d’écritures, par ailleurs aisément pardonnables dans le contexte d’une comédie qui fait la part belle à la caricature.
Le duo de réalisateurs orchestre une belle collision d’égos : le film lui même à un égo : la camera se perd parfois en quelques longueurs, elle dépeint avec aigreur la désertion du public des salles obscures et son autocritique est soignée à l’instar de The Square, pour cause, nous étions trois au cinéma ce soir là. Car à trop vouloir faire passer son message, le discours tombe dans l'écueil du pamphlet quelque peu ennuyant, l’once de comédie potache en puissance et décalée est à contre-courant, naviguant difficilement entre humour noir et fausse esthétique léchée. Le style épuré n’est pas dénué de beauté mais il manque d’ambition malgré quelque sage démesure (rocher géant accroché à une grue)
En outre, l’une des forces insoupçonnées de Compétition Officielle se trouve dans sa capacité à nous faire imaginer un film que nous ne voyons jamais, mais dont l’ambition innerve chaque instant des scènes qui nous sont présentées. Une construction dramatique réelle organisée autour d’une construction dramatique de fiction et qui culmine à deux reprises. Tout d’abord, lors de la scène de dénouement du film dans le film, répétée dans un théâtre avec les moyens du bord, et qui cristallise une intensité tragique faisant instantanément taire notre rire pour laisser place à une véritable émotion. Ensuite, lors d’une séquence de trahison vue à travers les yeux de la réalisatrice pour qui cet acte, tout terrible et absurde qu’il puisse être, constitue bel et bien une preuve irréfutable de talent dramatique absolu.
En somme, Compétition Officielle est une bien belle surprise de ce début de mois de juin. Le film ne révolutionnera sans doute pas la conversation dans laquelle il s’inscrit, mais fait preuve de suffisamment de légèreté dans son propos et d’audace dans sa mise en scène pour trouver sa place, non loin des références prestigieuses auxquelles il serait par ailleurs regrettable de le restreindre. Des murs qui enferment des espaces immenses, où rien ne se passe, presque exclusivement fait de verre et de béton, comme leur vie. Une prison des temps modernes au nom de l’art et dont la sortie synchrone avec le festival de Cannes tombe à point nommé.
Quand le Cinéma d'Art et d'essai en devient comique, cela donne des scènes où chaque protagoniste trouve l'autre pathétique, ce jeu impitoyable qui consiste à démontrer qui est le meilleur dans une valse malsaine de virilité déplacé. Dans toute cette testostérone une soudaine inspiration des réalisateurs pour une scène lesbienne pas utile mais qui visiblement travers voire transporte les tous puissants hommes. Une tentative interessante pour faire comprendre que malgré tout l’or du monde, les hommes perdent sens et dignité devant le sexe féminin. Le rappel étant fait, tous ces sentiments bien trop puissants pour des adultes les rendent vraiment grotesque, tellement absurde, devant des égos qui ne se mesure plus qu’en centimètre cube.
Compétition Officielle nous propose une satire ironique du Cinéma d'Art et d'essai, son snobisme intellectuel les égos, une industrie Cinématographique totalement abscons et dénué d’objectif artistique. Si l’environnement décrit de façon assez honnête le milieu, il n’en demeure pas moins que seul certain.e.s sont à même de le savoir. Si certaines scènes poussent quelquefois le délire très loin, il en était de même pour The Square, Palme d’Or en 2020.
Satire oui, mais qui se cramponne à des rôles trop stéréotypés, la subtilité elle aussi peux faire rire, à qui sait la dosée. Prenons la réalisatrice totalement excentrique, tyrannique, Lola, incarné par l'excellente Penélope Cruz, qui les rend fou, par ses névroses qu'elle tente de developper à travers eux, ce qui donne lieu à des oppositions ou fuse des insultes passionné (stéréotypés), dans un drôle d'exercice de style, juste afin d'y assouvir le projet d'un vieux Milliardaire (stéréotypés, Humberto ( José Luis Gomez ), heureux de payer n'importe quoi, pourvu que son nom et son héritage puissent s'inscrire dans le Monde de l'intelligence de l'Art.Lola test dans de nouvelle nuance d'inconfort, qu'elle expérimente et cherche à saisir, afin d'y déceler la moindre faille, qui bien entendu se paye cash, tel est le niveau d'exigence que demande l'Art, ou bien peut-être ce manque de modestie qui leur va si bien.
Malgré certains gags prévisibles (mais néanmoins très drôles), Compétition Officielle réussi à dresser un portrait aussi précis que large du cinéma de genre, de ses protagonistes et de leur monde. Les performances d'acteurs sont exceptionnelles, la caméra est aussi outrancière et ciselé que les personnages dépeints et les mondes dans lesquels ils sont enfermés, leur stupidité et leur morgue sont mis en scène avec une fine lenteur, d’àù la complexité de filmé le vide, l’ennui et le temps qui ne passe pas.
Certaines lignes de dialogues reflètent avec justesse l'absurdité des raisonnements que l'on peut atteindre lorsque, comme eux, on est si déconnectés du monde. Mais ils sont surréalistes de clichés.
Car le problème est là, un travail monumental de direction d’acteur.e.s à été fait mais malgré cela, le film ne manque pas de défaut, certains gags sont trop prévisibles, souvent poussif pour dénoncer le …poussif, c’est un portrait de l'industrie cinématographique qui détruit comme il se doit les prétentions et les égos de ce monde en montrant le ridicule de chacun : acteurs, riches producteurs, et réalisateurs.
Une façon de dire : « Compétition officielle : Le film qui détestait le cinéma d'auteur autant qu'il l’aimait. » Pourtant le film n'a pas assez d’audace pour casser les codes ni les us et coutumes de l'industrie actuelle mais on note un réel travail pour reprendre tous ses codes afin de les faire exploser aux yeux du public et en démontrer les limites de cette intouchable industrie de l’Art.
Créée
le 17 juin 2022
Critique lue 26 fois
2 j'aime
D'autres avis sur Compétition officielle
À ma droite, Ivan Torres. Profession : acteur. Professeur d’arts dramatiques et vedette de théâtre, reconnu par la critique, il évolue aussi loin que possible du faste hollywoodien qu’il méprise...
Par
le 2 juin 2022
21 j'aime
4
Malgré certains gags prévisibles (mais néanmoins très drôles), Compétition Officielle réussi à dresser un portrait aussi précis que large du cinéma de genre, de ses protagonistes et de leur monde...
Par
le 5 juin 2022
18 j'aime
Pour une fois que les Suisses sont les plus rapides : Compétition officielle est projeté en Helvétie avant sa sortie hexagonale... Incroyable non ? Mais alors, qu'est ce qu'on en retient ? Une...
Par
le 16 mai 2022
16 j'aime
Du même critique
Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écœurant, livrant avec cette Mascarade son meilleur film,...
le 30 nov. 2022
1 j'aime
Athéna, de Romain GavrasLa représentation des quartiers populaires et de ceux qui y vivent ne sont pas nouvelles au cinéma à travers un genre où les stéréotypes, les fantasmes, les positions...
le 5 oct. 2022
1 j'aime