En 1982, je me suis retrouvé dans une salle de ciné à voir "Conan le Barbare". Je ne me souviens plus pourquoi. N'y avait-il vraiment rien d'autre ? Est-ce que le titre m'avait attiré ? Est-ce qu'un collègue m'en avait parlé ? Je ne sais plus.
À cette époque, je ne connaissais guère John Milius, je ne connaissais par du tout Arnold Schwarzeneger et probablement je n'avais aucune idée de ce qu'était l'heroïc fantasy. Je ne connaissais même pas les romans de Howard qui avaient créé le fameux Conan.
Par contre, ce dont je me souviens c'est que je suis sorti ravi du cinéma. Je suis retourné quelques années après pour "Conan le destructeur" puis "Kalidor" mais la magie, le charme avaient disparu. Ce n'était plus pareil.
Seul "Conan le barbare" a su conserver son pouvoir sur moi, encore aujourd'hui. Par la suite, j'avais trouvé un roman de Sprague de Camp dont je ne sais toujours pas s'il est antérieur au scénario du film ou, au contraire, s'il s'en est inspiré.
Alors qu'y avait-il donc de magique dans ce film ?
D'abord, la référence à des temps reculés, préhistoriques. Pas si reculés que ça, d'ailleurs, puisqu'on y connait l'acier (par chrome !).
La discipline de l'acier. Le secret de l'acier.
Les âges hyboriens aux alentours de -10000 ans BC.
Et puis, il y a ces références aux civilisations pré-helléniques : le peuple des cimmériens qu'on ne situe pas trop, peut-être autour de la mer Noire ou de la mer d'Azov. Les noms des pays voisins, c'était l'Aquilonie ou la Stygie. La Stygie qui me plait bien avec la référence au fleuve des enfers. Plus fort, la capitale de la Stygie, c'est Luxur… C'était aussi une époque où l'Atlantide n'avait pas encore été engloutie. Le nom de la ville de Zamora sonne comme la mythique Samarcande …
Dans "Conan le barbare", il y a le style des gens qu'on assimilerait bien à des Tartares (mongols, tatars), les steppes immenses balayées par des vents, la vie ramenée à ce qu'elle a d'essentiel.
Et puis, il y a ces références à une ou des mythologies : les puissances telluriques (Crom) qui s'opposent aux puissances du vent.
- Quel dieu pries-tu ?
- Je prie les quatre vents. Et toi ?
- Crom. Mais je ne le prie pas souvent. Il n'écoute rien.
Il y a même une walkyrie qui vient prêter main forte à Conan en fâcheuse posture.
Mais voilà que cet ordre semble menacé par de nouvelles religions maléfiques, dominées par le culte du serpent … Thulsa Doom en est le grand prêtre avec son pouvoir hypnotique.
Mais je manque à tous mes devoirs. Je n'ai toujours pas parlé de Conan. C'est un être mythique, puissant, vengeur. Quand on lui demande ce qu'il y a de mieux dans la vie, il répond d'un air martial et naturel :
"Écraser ses ennemis, les voir mourir devant soi et entendre les lamentations de leurs femmes"
Schwarzenegger que je découvrais, alors. Une montagne de muscles. Heureusement qu'il a une grosse tignasse, car on aurait l'impression qu'il a une toute petite tête. Ça doit être lourd à porter tous ces muscles. D'ailleurs, quand il court, on sent visiblement l'effort. Conan, le mâle alpha (il fait partie des 20% d'hommes dont rêvent 80% des femmes). Un être quand même un peu évolué : il a étudié la poésie et même la philosophie. Il parle (peu), il ne grogne pas. D'ailleurs, on annonce la couleur, il deviendra (ultérieurement au film) roi d'Aquilonie.
Bon et Thulsa Doom, alors ? C'est James Earl Jones, qu'on rencontre assez souvent au cinéma, qui s'y colle. Pas mal dans le genre maléfique et inquiétant.
Un regard bon, pénétrant, teinté de mélancolie. Mais impitoyable … Cependant, il fait quelques erreurs fatales. Il est excusable à 10000 ans BC, il ne pouvait pas savoir. Au XXème siècle, grâce aux mafiosos, il aurait su que quand on tue une mère devant son enfant, on doit obligatoirement tuer ce dernier sinon il risque de se venger quand il sera grand. Il commet une autre erreur, en faisant de Conan un esclave sur une noria. Il favorise son développement musculaire et en plus, il le laisse ruminer sa vengeance. Suite à ces deux erreurs, le destin inexorable est en marche.
Ce film "Conan le barbare" c'est aussi une BO efficace qui se donne des airs de Carmina Burana et même des relents wagnériens.
C'est surtout une aventure qui prend aux tripes. Au-delà d'une aventure sauvage et (bien) sanglante, sans concessions, contre le mal, le film baigne dans une bien agréable sensualité teintée d'un léger érotisme …