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Conclave
6.8
Conclave

Film de Edward Berger (2024)

En tant que catholique, mon point de vue est orienté. Et comme le dit un gros bouquin poussiéreux : "méfiez vous des loups qui se présentent déguisés en agneaux". Sous ses atours de thriller audacieux et vulgarisateur (on apprends un certain nombre de choses sur le fonctionnement factuel des institutions ecclésiastiques), ce film est un non-sens religieux qui enchaînera douilles sur douilles jusqu' à un final digne des ovations de la presse mainstream : un intersexe aux manettes du Vatican. C'est spoilé, maintenant, développons.


Commençons par le positif, la reconstitution du Vatican, les habits ecclésiastiques, la hiérarchie et les protocoles sont correctement retranscris. C'est cela qui était alléchant, voir comment les tractations et les évolutions du vote allaient mettre en avant certains sujets, certaines personnes, certains dilemmes bien présents dans l'Eglise catholique (dont le clivage entre les progressistes et les conservateurs, thème qui m'a fait accordé le bénéfice du doute au film jusqu'à ce qu'il explose les bornes). Le rythme lent du film n'est pas un frein pour qui s'implique dans les choix des personnages et les analyse en tant que sensibilités et convictions (concrètement, on ne s'ennuie pas si on s'intéresse un minimum aux enjeux). Mais à partir du moment où l'axiome est placé sur le doute au cœur de la Foi, on sait qu'on navigue en eaux troubles. Il faut se méfier des convictions. Tiens tiens tiens...


A partir de là, le film radicalise progressivement toutes les positions. Les prêtres africains sont des homophobes notoires (en règle générale, ils sont plutôt conservateurs, ça c'est authentique, comme tous les pays où la Foi est fertile), les conservateurs sont des racistes islamophobes et les progressistes des modérés, qui sont adepte de la renonciation et du choix le moins pire. Attendez, où est passée la religion ? A pu. C'est con. Tout devient tellement calqué sur games of throne qu'on ne se focalise alors que sur des positions politiques qui sont toutes réduites à des caricatures d'une simplicité si vide de sens qu'on quitte totalement la substance même de ce qui fait l'élection d'un pape : une doctrine, une mise à jour, un bilan qui amène, suivant les réussites et les échecs du dernier pontificat, à une rupture ou une continuité. Mais rien de tout ça ici, rien n'est approfondi, on ne fait qu'évoquer un sujet (et aucun débat n'est mené dans le film) avant de sauter à pieds joints dans la caricature.


Il y aura aussi des balles perdues distribuées généreusement : des papes qui ont fermé les yeux sur les dossiers pédophiles (ils devaient forcément être au courant), Benoît XVI réduit à son passage enfant dans les jeunesse hitlériennes (le scénariste a-t-il seulement lu un seul de ses textes sur le catéchisme ? Non, il préférait surement se mater House of cards)... Bref, c'est le festival de la saucisse anti-catho moraliste qui méprise toute notion religieuse pour ne se focaliser que sur l'enjeu du trône. Et on voit immédiatement qui va l'emporter : le seul qui ne se salit pas dans les jeux de pouvoir déroulés sous nos yeux, un mystérieux cardinal de Kaboul qui devait subir une mystérieuse opération...


Et voilà la cerise pompom sur le gâteau de chiasse, le nouveau pape nous confesse avoir du chromosome XXY. On ne le voyait pas venir... Un intersexe. Comme Imane Khelif ! Mais lui disait être une femme. L'exception de 1,7% au Saint Siège (SS booouuuuhhh !), qui s'identifie comme homme, mais qui possède un utérus, qu'il compte garder car créé par la volonté et à l'image de Dieu. Car Dieu est à la fois règle et exception. Le film se garde bien de faire tout dérapage (on nous parle des morts chrétiens et musulmans sans préciser que le nombre de chrétiens d'orient assassinés chaque année s'élève à environ 20000, par exemple), mais on arrive quand même dans un terrain idéologique sacrément marqué pour une institution aussi durable que l'Eglise, qui a toujours mis en avant sa volonté d'unification et de cohérence (un gros mot aujourd'hui). D'autant plus qu'on parle ici de remettre les clés du trône au premier type venu (inconnu des services jusqu'à cet épisode) sans avoir la moindre notion de ses convictions... religieuses. Mais ses velléités inclusives suffiront. D'ailleurs, l'ouverture aux autres religions (l'œcuménisme) n'est-elle pas une preuve de progrès ? (les apostats musulmans qui risquent la mort en ont une certaine idée). Mais de toute façon, à quoi bon parler religion, Foi, spiritualité, quand nos préoccupations vont vers le multiculturalisme, l'apaisement dans la communion, l'ouverture à son prochain qui est n'importe qui ?.. Ce n'est même pas du catholicisme de gauche, ce film est une vision non-religieuse de l'Eglise (au point de nous dire que le pape décédé avait perdu Foi dans l'Eglise, et allez...). C'est le néant relativiste moderne qu'on peut attendre de tout film convenu qui se retrouve acclamé par les critiques pour "son combat courageux", "son dénouement incroyable" (c'est peu de l'écrire), "son audace"... Un gouffre qui n'entend rien à la religion et qui finira dans l'oubli, car sans aucun message de fond reflétant tout ou partie des préoccupations de l'Eglise (ce qui était quand même les objectifs de base). De quoi on parlait déjà ?..


P.S: Quitte à parler de wokisme, pourquoi ne pas être allé sur le sujet de l'homosexualité ? On sait que 20% du clergé sont de la jaquette, au point que certains religieux conservateurs parlent de lobby rose au Vatican. Il y avait là un sujet qui en plus avait matière à aborder une vérité dans le personnel ecclésiastique. Mais c'était visiblement trop trop exigeant, de demander un minimum de cohérence et de finesse d'écriture et de traiter de sujets réels plutôt que de charger la mule.

Voracinéphile
3
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le 29 nov. 2024

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Voracinéphile

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