Le Vatican a toujours été terreau fertile pour les récits nimbés de mystère alléchants, un lieu qui hybride traditions séculaires mystiques et pragmatismes modernes. De quoi accoucher de romans de gare façon Dan Brown, d’études de la foi et de l’homme alla Les Deux Papes, ou ici, d’un thriller politique aux accents de House of Cards.
Car le cardinal Lawrence pourrait très bien être vu comme le whip, celui qui va guider le troupeau de ses pairs vers les décisions qu’il juge, subjectivement, les plus à même de servir les intérêts de l’Eglise. Et si l’opposition initiale entre traditionalistes et progressistes a vite fait de choisir le camp qu’il faut antagoniser, les masques vont rapidement tomber. Chacun des potentiels futurs pontifes ne sert in fine que ses propres intérêts, délaissant la foi pour se hisser plus haut dans les votes. Alors on salit, on manipule, on magouille. L’hypocrisie comme valeur suprême d’une institution sur le déclin, qui se sent forcée de montrer les crocs pour ne pas tomber dans l’oubli. Un nid de vipère face aux flammes éternelles.
La barque est bien menée, malgré que les différents retournements qui jalonnent le conclave soient cousus de fil blanc. Car on sait immédiatement qui sera élu, dès lors qu’il est introduit. L’approche subjective qui suit Lawrence dans ses errements permet d’entretenir à la fois le suspens sur le résultat des votes (en théorie donc), mais aussi de développer le personnage à travers ses doutes et remises en questions. A quel moment est-il opportun d’outrepasser le cadre de la fonction de doyen? Ces ingérences sont-elles vraiment désintéressées? Quid du Seigneur dans tout ça? Il n’est plus question de foi, mais d’agenda politique.
Malheureusement, la révélation finale arrive avec des sabots bien trop gros pour que la pilule ne passe. On comprend le message d’universalité de la foi qui viendrait remettre l’église au centre du village. On apprécie les bons mots d’un candidat involontaire qui se place en renouveau. Mais l’effet est celui d’un pétard mouillé, d’une ferveur progressiste qui s’insère maladroitement dans un récit qui jonglait avec les ombres des deux camps.
Malgré son intrigue convenue et son développement final maladroit, Conclave reste un objet filmique qui remplit les cases du contrat avec aise. Une image léchée, un casting impeccable, une minutie apportée aux rituels de huis clos, et une ambiance pesante palpable. Assez d’éléments maîtrisés pour partiellement effacer l’indigence de son déroulé scénaristique.