Dans l'histoire du cinéma, il y a quelques petites choses qui me rendent parfaitement heureux et que je peux revoir à l'infini : les comédies américaines des années trente, les westerns des années cinquante, Indiana Jones, les Disney de la grande époque et les Rock Hudson-Doris Day.


Les Rock Hudson-Doris Day (oui, oui, foin de galanterie, c'est vraiment trop moche dans l'autre sens), ne vous laissez pas avoir par la propagande ne sont finalement que deux. Celui-là et Un pyjama pour deux, absolument interchangeables et de qualité égale. De toutes façons une fois le premier dévoré impossible de ne pas craquer pour l'autre dans les jours qui suivent, c'est comme de revoir cette merveille, mais avec le plaisir de la nouveauté.


Avant Pillow Talk, moi, j'étais comme vous, je considérais Rock comme une grosse moulasse pas toujours à l'aise dans le mélo et un peu ridicule en héros d'envergure. Surtout, comme Ignatius J. Reilly, j'avais pour la Doris une passion haineuse et masochiste qui me poussait à essayer ses films uniquement pour voir jusqu'à quelles extrémités elle pouvait s'abaisser...


Mais depuis Pillow, bien sûr, tout à changé, j'ai enfin compris que Rock Hudson était un génie comique de premier plan et que la Doris était le contrepoint idéal pour y jouer sa partition.


Dans ce film, ça tombe bien, il est compositeur le Rock, sorte de Don Juan irrésistible qui a le malheur de partager sa ligne téléphonique (o tempora et ce genre de choses...) avec une blondasse décoratrice d'intérieur un peu frustrée mais qui ne se l'avoue pas.


Le scénario est de Stanley Shapiro, ce qui peut être bon signe malgré une fâcheuse habitude à rajouter des gags filés en parallèle dont on se passerait bien, comme ici l'obstétricien, même si ce n'est pas le pire de sa carrière. Lorsqu'il ne tombe pas dans le scabreux jusqu'au glauque, comme avec Un soupçon de vison, le bougre sait magnifiquement distiller son humour et sa lubricité du début à la fin du film, entassant les degrés comme autant de briques sur le mur idéal de la comédie truculente.
Malgré un champ d'action à la limite de la pornographie, il parvient dans ses deux chef d'oeuvres à rester aussi bon enfant et grand public que dans un Disney de bonne facture... D'ailleurs, j'avais prévu de vous faire un parallèle très long entre ce film et La Belle et le clochard, même que sans les spaghettis de l'un je n'aurais pas revu l'autre, mais ça nous aurait lancé dans une de ces discussions culinaires qui ont toujours le don d'irriter une partie de mon lectorat qui se fiche de savoir pourquoi j'ai rajouté des champignons hier pour accompagner les boulettes, les oignons, l'ail, le jambon, les olives et les tomates, ce que je ne peux d'ailleurs pas leur reprocher tout à fait.


Du coup, je reste sur mon sujet, tant pis pour vous, et mon sujet, c'est Rock. Rock qui parvient à être absolument dénué de morale et mignon comme un agneau bêlant dans le même plan, Rock qui multiplie les impostures hilarantes, quitte à se mettre à lui-même des bâtons dans les roues et sembler repousser d'autant son objectif inavouable.


Mais bon, Rock n'est pas tout seul, dans les Rock Hudson-Doris Day, déjà, il y a toujours Tony Randall, autre génie comique incompris et moins facilement défendable mais qui déclenche chez moi des soubresauts incontrôlables encore plus gras que devant Will Ferrel...


Et la merveilleuse Thelma Ritter en alcoolique increvable ? Et le liftier ? Et Dalio ?... N'allez pas croire que nos tourtereaux sont laissés à eux mêmes, toute la production du film et le métier des studios de la fin des 50's est à leur service ! C'est comme si tout, du split-screen à la voix off, avait décidé de se détourner de son sens premier pour se consacrer uniquement à la gymnastique de vos zygomatiques.


Le technicolor n'a jamais été aussi rose je crois, avec des petites poussées bleu pastel qui font croire que le kitsch a été inventé pour ce film, sauf que, comme les tenues absolument importables de la Doris, c'est tout à la fois brillamment assumé et touchant par nostalgie, une gageure !


Alors, oui, je sais bien, la moitié la plus sinistre d'entre vous ne comprendra jamais qu'on puisse souiller ses draps en regardant ce film, ni même qu'on puisse l'avoir consommé sans lassitude à une fréquence répétée uniquement limitée par l'existence d'un second opus ou presque qui permet de diviser la dose par deux en la multipliant du même chiffre.


Mais baste ! Tant pis pour vous, pingres de la drôlerie, pisse-froids neurasthéniques et fesse-matthieu de la truculence ! Je continuerai à conseiller ces films autour de moi, à les offrir aussi souvent que je pourrais (je refais régulièrement des stocks de coffret uniquement avec cet objectif) et à gâcher les soirées de mes voisins avec mes cris tonitruants à chaque fois que Rock esquissera un petit tressaillement de sa lèvre inférieure.

Torpenn
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le 3 janv. 2013

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