C'est pas en pleine cambrousse qu'on vous entendra crier non plus.

"The Conjuring" (bêtement affublé du sous-titre "Les dossiers Warren" chez nous), est l'une des plus belles réussites vues depuis longtemps dans le genre fantastique. Pourtant, on évolue ici une fois de plus en terrain connu et balisé, le film faisant surtout penser à un simple remake du premier "Amityville" de Stuart Rosenberg - ce dernier vieillissant dramatiquement mal, mais là n'est pas le sujet.

Néanmoins ont dénombre plusieurs facteurs faisant de "The Conjuring" une incontestable réussite.

Déjà, on a ici affaire au très doué James Wan, le réalisateur d'"Insidious" (dont la suite arrive très bientôt), du premier "Saw" (le seul et unique), mais aussi de "Death Sentence" avec le génial Kevin Bacon, et bientôt du septième "Fast & Furious". Si le cinéaste a encore une certaine marge de progression, il a cependant toujours eu le très bon goût de ne jamais prendre les spectateurs pour des cons, et ce quels que soient les genres abordés, toujours traités au premier degré, sans cynisme aucun, Wan est un cinéaste talentueux, mais respectueux et surtout humble.
Ensuite il faut noter que pour une fois on ne nous prends pas pour des jambons quand à l'aspect véridique de l'histoire : OUI il s'agit bien de faits ayant réellement eu lieu, OUI Ed et Lorraine Warren sont bien réels - seule cette dernière est encore en vie aujourd'hui - et ils furent bien les premiers "investigateurs" du genre dans le domaine du paranormal.
L'action se situe donc en 1971, et le soin apporté à la reconstitution de l'époque laisse admiratif, que ce soit les costumes, les décors ou les accessoires, on s'y croirait, et ça aide forcément beaucoup à entrer dans le film et à s'attacher aux personnages.
L'interprétation de Vera Farmiga et Patrick Wilson est aussi pour beaucoup dans la réussite du film, tant ils réussissent à nous faire partager et ressentir leurs convictions, leurs doutes et leur complicité.

Mais plus que tout, c'est la mise en scène de Wan qui fait la différence: celle-ci n'a jamais été aussi virtuose et fluide, aérienne même parfois, le réalisateur n'hésitant pourtant jamais à recycler les effets de styles (caméra souvent virevoltante, au plus prêt des personnages et de l'action, zooms arrière...) bien connu dans ce genre de films, mais là encore c'est l'immense respect dont il fait preuve pour ses prédécesseurs - on pense nottament à "La maison du diable" de Robert Wise, ou à "L'Exorciste" de Friedkin - qui fait toute la différence.
Comme dans ces derniers d'ailleurs, Wan prends son temps pour présenter les lieux et personnages, nous installant peu à peu dans une atmosphère de plus en plus lourde et anxiogène, et faisant progressivement monter la tension.
L'autre point fort du film est également l'équilibre quasi-parfait entre les scènes de "suggestion" (ou l'imagination du spectateur carbure à plein régime) et les scènes de pures terreur filmées plein champ.
Dans "The Conjuring", la peur et la terreur sont autant provoquées par ce qui pourrait surgir de l'obscurité que par ce qui surgit en pleine lumière.
Un grand "classique" certes que de jouer avec ces "codes" vus et revus, mais encore faut-il que ces derniers soient mis en scène avec le talent nécessaire, ce qui est le cas ici.
L'autre vraie réussite du film, c'est du côté de l'incroyable bande son et des bruitages qu'il faut aller la chercher.
Et à ce titre il est impératif de voir le film au moins une fois au cinéma.
L'ouie du spectateur est constamment mise à contribution, surtout dans la première partie du film, ou nous sommes en permanence à l'affût du moindre "phénomène" sonore parcourant la maudite bâtisse. Autant dire que la tension ressentie ne s'en trouve que plus accentuée, tant on perçoit le moindre grincement, le moindre courant d'air, le moindre chuchotement...L'efficacité sonore est aussi au diapason dans le sens inverse: lorsque les phénomènes se déchainent, c'est tout juste si votre fauteuil ne tremble pas!! Et on ne parle même pas des nombreux sursauts immanquablement provoqués...A ce titre, la dernière partie du film "agresse" littéralement le spectateur, que ce soit sur le plan visuel ou sonore, tant on a l'impression d'être emporté par une véritable tempête.
Résumons : "suggestion" et mise à contribution de l'imagination et des sens du spectateur, personnages hautement attachants (mêmes les second rôles, de toute la famille Perron en passant par l'officier Brad ou même l'assistant des Warren), effets visuels et sonores "vintages" et parfaitement dosés, mise en scène classieuse "à l'ancienne", mais néanmoins ultra-dynamisée par son montage et par de nombreuses "audaces" bienvenues et servant toujours la progression du récit... James Wan a décidément tout compris. Il se permet même le luxe de faire parfois baigner son film dans une ambiance de conte de fée (ayant mal tourné), via la poupée Annabelle, véritable personnage à part entière, qui menacera un temps la fille des Warren.
Et il en profite aussi pour s'éloigner avec bonheur des effets trop "outranciers" et grand-guignolesques de ses "Insidious".
Si l'on devait faire la fine bouche, ce serait vers le côté légèrement "pro-catho" du film - mais cela varie selon la sensibilité et les croyances de chacun - qu'il faudrait se tourner. Et aussi vers le fait que les personnages des époux Warren auraient pu être plus fouillés. Heureusement une suite est déjà en chantier. Vivement!!

Car si "L'Exorciste" de Friedkin restera dans le genre - et ce à juste titre - indétrônable, "The Conjuring" n'en demeure pas moins ce qui est arrivé de mieux au genre ces dernières années.