Carl Sagan était un astronome américain et un vulgarisateur scientifique au retentissement important, notamment au travers de sa série documentaire Cosmos. Parmi sa bibliographie se trouve un roman : Contact, publié en 1985. L'adaptation sur grand écran incombe à Robert Zemeckis, au cinéma émotionnel et très expressif, voire fantasque dans un esprit 'bon enfant' (trilogie Retour vers le futur, Forrest Gump, Rogger Rabbit). Le résultat est un film de science-fiction ambitieux aux implications larges et à la rhétorique flexible, cherchant la fusion d'antagonismes au nom d'un but supérieur. Contact brasse de nombreux points autour du vieux conflit entre la préférence pour Dieu et celle pour la science ; les deux méthodes sont flattées. Cependant le besoin de trouver 'la grande réponse' étant impossible à satisfaire, à notre niveau de conscience et de développement, c'est bien la foi qui l'emporte ; la foi comprise comme un espoir et un moteur, pour l'apaisement des tensions et le dépassement de soi.


La prise de contact avec les extraterrestres est abordée en tant qu'événement pour l'Humanité (un peu d'emphase sur l'agitation populaire : religieuse et médiatique surtout, politique et sociale beaucoup moins) et en tant que mission d'une vie. Ce second biais est aux commandes. L'accent est donc mis sur la personnalité de Foster et les qualités 'universelles' de son existence. Sa quête de la vérité est reliée avec celle du père disparu (mort effectivement, ressenti comme évaporé pendant la séance) ; sur ce point plus que tout autre, les symboles et sous-entendus recevront une confirmation 'physique' ; par sa kitscherie (au bout des passages vortex, une entrevue souillée par la tapisserie type 'vomi sous acides'), elle souligne paradoxalement la futilité des 'révélations' telles que l'Homme se les figure (n'en serait-il qu'au début) et ses grandes peines à atteindre le sérieux sur la question. Pour se consoler de son nanisme, l'Homme en général (et l'individu en particulier) peut réaliser qu'il n'est pas seul et compter sur la sagesse d'un ordre cosmique impénétrable.


C'est le sens de toute cette fin par étapes. Elle achève d'inscrire Contact dans le rang des films de SF 'optimistes' (Abyss, Rencontres du 3e type) voire tendus béatement vers un horizon encore trop grand – et donc d'autant plus rassérénant, comme si on entrait dans une nouvelle ère où la peur ne serait plus légitime, l'angoisse dissipée, tous les vides comblés. Contact est plus concluant que ses confrères dans la gestion de ce substrat mystique (avec son sens de la tradition mais étendu sur des milliards d'années et dépassant les références historiques), peu ou pas compromis par des niaiseries 'humanistes' ou des incantations aveugles. Il maintient un bon équilibre (clarté sans s'engager, ouverture en déniant le nébuleux, frontières nettes et réponses lointaines) qui lui permet de ratisser large, dans tous les sens du terme. Tout ça s’accommode de la mièvrerie toujours au moins latente chez Zemeckis et chez ces mastodontes hollywoodiens taillés pour toute la famille. Forcer la poésie est tellement inscrit dans le cahier des charges qu'on en viendra à la déclarer : Foster lancée dans l'espace s'extasie longuement sur la beauté qu'elle contemple, en soulignant une nouveauté à laquelle nous n'avons pas accès (les aperçus donnés n'en recelant pas, en tout cas pour le profane).


Les ambitions et mêmes les fragments de pensées subiront donc une certaine mise au rabais. Le révérend Palmer Joss est l'élément ultimement compromettant en plus d'être inutile. Sa crédibilité est faible et il semble plus chargé d'interpréter le beau gosse de service ; il sert davantage à la décoration et à la petite histoire. Manière de renverser les rôles en faisant de l'homme la potiche ? C'était peut-être l'intention du roman et partiellement celle des géniteurs du film, mais le respect du quota 'romance' (ou sentiments purs et gratuits) semble l'emporter sur toute autre considération. Il est dommage de ne pas insister sur la fonction qu'il se donne et déterminer sa pertinence en tant que vedette télé-évangéliste au style soft et glamour ; ses sous-slogans 'réflexifs' sont présentés tels quels et le charisme du personnage est souligné. Le cas Palmer/McConaughey échappe donc à la vigilance portée sur l'efficacité et la légitimité des protagonistes clés, pas simplement leur assise effective. Car dans l'ensemble le parcours de Ellie est envisagé avec un œil critique et une conscience, légère et pénétrante, des hiérarchies sociales et culturelles. Le caractère d'Ellie est constamment mis à l'épreuve par des assauts 'structurels' que quelques personnages masculins viennent incarner, les deux principaux étant Kitz et Drumlin.


Interprété par James Woods, Kitz endosse est le visage de la Défense et de la rigidité étatique – et l'exaspération de l'homme en charge du réel 'dur' face aux gâchis budgétaires. Ellie/Jodie n'a aucune estime pour ce supérieur 'objectif' et même pas le temps ni l'esprit à rire de ses impératifs ; c'est trop désuet pour elle qui voit si grand. Sa nature étant sceptique et non oppositionnelle, Ellie/Joddie se montre cependant coopérative lorsque nécessaire ; le film suit, l'extrait des JO de 1936 avec Hitler et l'agacement envers les militaires resteront des anecdotes, alors qu'il y avait de grosses cartouches mielleuses à portée. En outre, la raison commande, l'arbitraire est dans le détail et les assignations. L'arbitraire cependant a un nom : David Rumlin. Chef de Jodie/Ellie au début, il l'aura toujours entravé dans ses recherches et humilie sa volonté. Ce qui ne l'empêchera pas d'usurper les mérites et la gloire de la chercheuse, en devenant le représentant public de ses travaux. Son indifférence rend sa mesquinerie désarmante et réaliste : voilà un salaud réaliste, sans haine, juste bon à faire jouer son statut et utiliser son image.


Ces différentes manifestations de l' 'establishment' barrent la route à Ellie sans agressivité, en exerçant leur domination tranquillement ; le film est peu disposé à y répondre, en tout cas dans un esprit 'militant'. Il s'agit plutôt de considérer ce qui s'impose, de compatir pour les injustices sans perdre de vue l'essentiel ; disposition proche de l'attitude d'Ellie. Victime d'injustices répétées, elle accuse le coup sans se démobiliser ; sa volonté et son intégrité sont trop profondes. Plus tard, les coups portés devant la justice échouent à affaiblir sa confiance en elle-même et dans ses perceptions ; elle n'ira pas jusqu'à devenir martyre, surtout que ses juges auraient des raisons d'accepter sa parole s'ils laissaient le doute germer et quelques informations embarrassantes se diffuser. Au-delà des illusions et des compromis pratiques, ce qu'a vu et vécu Ellie est (probablement) vrai ; tout comme sa ténacité lui ont permis de convaincre la providence d'atteindre son but – en corrigeant les injustices subies au passage (qui au lieu d'être 'reconnues' sont carrément dépassées).


Même si Ellie a subi des mesquineries, n'est pas tout à fait perçue pour ce qu'elle est ni selon ce qu'elle a fait, même si ce qu'elle dit n'est pas tout à fait compris, elle reçoit au fond, derrière tous les bruits vains et les mirages du contexte, la reconnaissance d'une Conscience ; et le spectateur a une place excellent pour l'apprécier. Contact donne du crédit à l'assertion « Aide-toi et le Ciel t'aideras ». Enfin concernant les détails notables, Contact présente une séquence d'ouverture remarquable – un travelling arrière depuis la Terre jusqu'à perdre de vue la Voie Lactée parmi une infinité de galaxies. Le film a fait l'objet de quelques polémiques, agaçant la NASA à cause d'une référence au cyanure (comme mode de suicide) et poussant la chaîne d'info CNN à prendre des dispositions pour contrôler le détournement de ses journalistes. Plus fort encore, le cameo de Bill Clinton (mascotte n°1 du monde libre à l'époque), toujours par écran interposé et tiré d'une réelle conférence de presse, a valu à Time Warner (maison de production) des reproches officiels (sans suites connues) venant de la Maison Blanche.


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