Opus mal-aimé dans la carrière de Soderbergh (Erin Brockovich, Traffic, Ocean's Eleven), Contagion met en scène une pandémie mondiale, digne successeure de la grippe espagnole de 1918 qui décima à l'époque au moins 3% de la population. Le traitement est bourrin et adroit, considéré comme réaliste par la plupart des experts. Soderbergh fait preuve d'une remarquable économie de moyens et de démonstrations ; il y a peu de subtilités à-côtés, ou d'écarts ; pas de fautes flagrantes non plus (seulement quelques personnages excessifs).


La contrepartie de l'efficacité et de la nervosité caractérisant Contagion est une certaine platitude. Cette nature de bagatelle virtuose explique d'ailleurs toute la circonspection que le film a suscité. Les réactions au virus sont traitées avec trop de distance ; verbalement elles sont estimées à leur juste valeur, mais on ne voit que très peu les mouvements populaires et les effets concrets qu'elle engendre. Le point de vue reste assigné au filtre 'choral' et plus encore à un amalgame de dépêches journalistiques imagées et de diagnostics émiettés des élites (sociales, politiques ou médicales).


La prospection est rigoureuse, synthétique et plutôt captivante ; passé l'enthousiasme pondéré du moment et alors que la tension est consommée, l'impression d'un brassage dans le vide s'impose nettement. Il n'y a pas de conclusion claire à tirer de cet abattage de faits en continu, intelligent et brutal, mais aussi sommaire. Soderbergh se contente d'afficher les grandes lignes d'un compte-rendu. Il donne parfaitement l'illusion du ad hoc, le sujet est évalué avec des pincettes et nullement pénétré, les événements emportent tout et justifient cette 'lâcheté' rationnelle.


Forcément l'issue manque d'envergure, même si en somme le divertissement aussi a été assuré ; sans heurts ni éclats là encore. Le style Soderbergh est élégant, ultra-racé et conformiste ; après Girlfriend Experience et The Informant, le cinéaste est dans sa période la plus sèche. Les acteurs sont manifestement censés s'acquitter du rayon entertainment et sur ce point le résultat est mitigé. Contagion est un 'all star movie' qui n'a pas grand chose à confier à ses recrues et tous les personnages principaux demeurent très survolés ; en fait, ils n'ont aucun intérêt en tant que personnages. Gwyneth Paltrow et Marion Cotillard arrivent à être bizarrement mauvaises, pendant que Kate Winslet reprend avec succès sa carrière après un retrait de deux ans (depuis sa performance oscarisée pour The Reader en 2009).


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Zogarok

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