Trouver un compagnon pour Magali va en effet offrir la possibilité à Isabelle comme à Rosine de résoudre la question de leur propre manque. Optant pour une stratégie marivaldienne, la mûre Isabelle va un temps se faire passer pour Magali auprès de Gérald, un quinquagénaire divorcé rencontré par le biais d’une petite annonce matrimoniale. Certes, Isabelle révèlera finalement à l’homme sa véritable identité. Ayant justifié son surprenant comportement en expliquant notamment qu’elle n’a agi de la sorte que pour s’assurer que Gérald convenait à Magali, Isabelle mettra finalement les deux célibataires en contact. Et manifestement séduits l’une par l’autre, la veuve et le divorcé dessineront durant les derniers instants de Conte d’automne les prémices d’une future relation amoureuse. La vigneronne aura donc comblé son manque d’homme grâce à Isabelle. Quant à cette dernière, en s’identifiant à la disponible Magali l’espace de quelques rendez-vous avec le séduisant Gérald, elle aura pu se livrer en toute sécurité conjugale au jeu de la séduction. Sans avoir à tromper son époux - l’ultime plan du film montre Isabelle étroitement enlacée à Jean-Jacques -, la libraire aura néanmoins suscité chez Gérald un trouble non dénué de réciprocité, instillant ainsi dans son existence d’épouse fidèle cette passion qui lui faisait initialement défaut.


On l’aura compris, c’est donc une nouvelle fois un voyage à travers la psyché humaine d’une fascinante finesse qu’Éric Rohmer propose avec ce Conte d’automne confirmant (s’il en était encore besoin...) les considérables talents d’analyste psychologique, voire psychanalytique, du cinéaste. Servi par des acteurs idéalement rohmériens, jouissant en outre d’une facture formelle aussi sophistiquée que subtile, ce dernier des Contes des quatre saisons déploie enfin une extraordinaire architecture scénaristique. Et c’est donc une jouissance cinéphile totale que procure ce Conte d’automne aux spectateurs accompagnant ce trio d’héroïnes dans leur lutte victorieuse contre le manque.

Chicago
7
Écrit par

Créée

le 26 sept. 2016

Critique lue 496 fois

4 j'aime

Chicago

Écrit par

Critique lue 496 fois

4

D'autres avis sur Conte d'automne

Conte d'automne
EricDebarnot
8

La leçon de Cinéma

Je me souviens avoir salué à l'époque de sa sortie le seul "Conte des Quatre Saisons" à renouer avec la veine des meilleurs Rohmer, celle du marivaudage amoureux et des mensonges maladroitement...

le 9 sept. 2017

17 j'aime

5

Conte d'automne
Plume231
6

Les Entremetteuses !

Quatrième et dernier conte saisonnier pour Éric Rohmer, qui se déroule en automne. Oui, comme moi, vous ne l'auriez jamais deviné. L'automne, ce ciel qui peut paraître aussi clair que celui de l'été,...

le 23 sept. 2024

10 j'aime

Conte d'automne
JanosValuska
7

Si la vie est un voyage.

C’est le dernier des contes d’Eric Rohmer. Et l’un de ses plus grands succès, comme si la fermeture d’un cycle était systématiquement gage de succès. L’impression que le public s’acclimate à mesure,...

le 25 oct. 2015

8 j'aime

Du même critique

Delphine et Carole, insoumuses
Chicago
8

Un vrai combat bien avant Me Too

"C’est l’histoire d’une grande amitié entre deux amoureuses de l’image, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Quelques mois avant sa mort (en 2009), celle-ci décide de faire...

le 31 janv. 2020

9 j'aime

1

Un peu de soleil dans l'eau froide
Chicago
9

Une femme admirable et bouleversante

Inconnue, elle était ma forme préférée, Je n’avais pas le souci d’être un homme, Et, vain, je m’étonne d’avoir eu à subir Mon désir comme un peu de soleil dans l’eau froide. Paul Eluard. Lassé de sa...

le 6 déc. 2015

8 j'aime

L'Été en pente douce
Chicago
7

L'été meurtri !

"L'été en pente douce" est plus un film d'atmosphère que d'autre chose. Ici, pas de scénario poussé très loin, pas de grandes intrigues. Mais tout y est juste, la jalousie, la bêtise, la rivalité, la...

le 3 sept. 2016

8 j'aime