Conte d’hiver c’est un film rhomérien qui discute du grand Amour.
On y suit la vie de Félicie, qui, tombée enceinte d’un homme dont elle était profondément amoureuse et dont elle a perdu la trace, des années après, essaye de construire un semblant de structure familiale pour sa fille. Mais voilà, Félicie, elle y croit toujours à son grand amour et l’image de son bien aimé la hante encore après toutes ces années, si bien que toutes les relations qu’elle engage avec les autres hommes sont aussitôt vouées à l’échec. Il faut se rendre à l’évidence, elle est amoureuse d’un fantôme, au fond on douterait presque du réel de ce qu’elle a vécu avec cet homme étrange, tant la relation qu'on voit au début du film parait impossible : elle est fusionnelle, idéale, fantasmée. Et puis ce « lapsus » de la part de Félicie, enfin, confondre « Levallois » et « Courbevoie », on a du mal à y croire tout de même.
Ce film est une ode à l’Amour avec un grand A, c’est comme ça que je le conçois. Rohmer nous donne de l’espoir en nous montrant une Félicie récompensée, à la fin du film, lorsqu’elle retrouve, par hasard, cet homme dont elle est encore passionnément amoureuse après tout ce temps, dans le bus, en s’asseyant en face de lui. C’est surnaturel, encore. Quel hasard, dans Paris, cette mégapole de plus de dix millions d’habitants, retrouver celui qu’on aime, dans un bus, en s’asseyant en face de lui ? Cet homme qu’elle aime, qui n’est même pas de France, qui est à Paris « depuis pas longtemps » ? Celui qu’elle aime qui est capable de la reconnaitre instantanément sans l’avoir jamais revue, pas même en photo ? Pour finir, celui qu’elle aime qui partage son amour passionnel, qui abandonne sa vie et ses projets pour la suivre sans poser de questions ?
Oui, c’est irréel, Rohmer nous fait rêver, mais ce film m’a profondément touché, non, m’a complétement bouleversé ; il a résonné en moi car je me suis reconnu dans certaines situations vécues par les personnages. La réalisation, la photographie, sublimes, les dialogues, pertinents, avec une juste dose de philosophie ; que peut-on demander de plus ? C'est un chef-d’œuvre.