dec 2010:

Un Marco Ferreri qui m'a laissé quelque peu sur ma faim. Sûrement que j'attendais trop de cette prometteuse production. Des monts et merveilles nées d'une imagination par trop débordante.

Le casting présentait une alléchante affiche avec Ben Gazzara et la somptueuse Ornella Muti. Cette actrice italienne a fait les beaux jours des cinémas italiens et français dans les années 70/80 et a fait fantasmer beaucoup de cinéphiles. J'avoue que ce n'est pas (pour une fois) sur cet aspect libidinal que j'orienterais l'attention portée sur cette actrice. Son regard bleu glacial et son jeu tout aussi froid, s'ils n'éveillent pas en moi les éruptions de fluides qui préludent habituellement à l'acte sexuel, produisent une certaine fascination, mêlée de crainte. Et le personnage d'amoureuse passionnée et extrêmement fragile, porcelaine humaine, prisonnière d'instincts auto-destructeurs, rajoute une dose d'adrénaline. Personnage à fleur de peau, dansant sur le fil d'un rasoir, d'une existence mal fichue, elle s'éprend d'un épave, un type presque aussi cassé.

Ben Gazzara incarne Charles Serking alias Charles Bukowski, poète qui noie dans l'alcool l'affreuse vérité du monde qui l'entoure et l'oppresse. Tout aussi mal adapté à l'absurdité de la vie, il se suicide à la bouteille. La littérature le rattache un peu au monde des vivants. Entre deux pays, entre un est et un ouest lointains, entre terre et mer, sur des plages vides, il est seul à la lisière, condamné à cet exil et s'en nourrit. Charles est un héros qui fait du gringue à Marco Ferreri. Rien d'étonnant à ce que l'italien adapte l'américain.

Mais le scénario qui pour une fois n'est pas conçu en collaboration avec Azcona manque de rythme et surtout d'un peu d'humour, une certaine hauteur. Si le roman initial en est dépourvu, il s'avère logique que les scénaristes aient sauvegardé cette lacune, d'autant plus que j'ai le sentiment qu'elle alimente le désarroi du personnage et sans doute autant sa poésie. Charles aborde les aléas de son existence avec une certaine gravité. Le sourire de Gazzara n'a rien de jovial, d'expansif, il est amer. La lippe est triste. Cette folie ordinaire emprunte bien plus au désespoir qu'à une autre incapacité.

Rares sont les personnages d'écorchés vifs et se vouant aussi gracieusement à leur propre déchéance qui trouvent grâce à mes yeux. Je m'en lasse si rapidement. Pour ces deux-là, je n'irais pas jusqu'à parler de lassitude mais en fin de film, je me rends compte que je n'ai que très peu d'empathie à leur encontre et me soucis peu du sort qu'ils se sont réservés. L'émotion est un peu sèche, ne m'atteint pas vraiment. Dommage.
Alligator
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le 16 avr. 2013

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