Ce qui m'a le plus surpris dans cet exercice de style, c'est la douceur du ton et la diversité des thèmes qui irriguent les 5 contes du film inspiré du "Décaméron" de Boccace. N'ayant pas vu le film de Pasolini je ne peux pas décemment comparer, mais on peut imaginer qu'il n'a rien à voir avec celui-ci. Je ne saurais pas dire ce qui rend la structure du film à sketches agréable ici là où elle est souvent factice et maladroite : il y a pourtant dans la fuite de ces dix jeunes hommes et femmes à la campagne, tandis que la peste fait rage à Florence au XIVe siècle, qui décident là-bas de se raconter des histoires, une artificialité notable. Pourtant, rien de désagréable, et c'est sans doute du côté de la propreté cristalline de la mise en scène (qui surjoue l'image lisse, à mi-chemin entre un tableau et une pièce de théâtre) et de l'apparente naïveté du ton qu'il faut chercher les raisons d'une telle combinaison — réussie, en ce qui me concerne.
Malgré des réticences héritées de l'expérience "César doit mourir" (ratée à mes yeux), et malgré une certaine austérité paradoxale (il est sans cesse question de romances mais le concept suivi avec une rigueur extrême peut s'avérer un peu crispant), il se dégage du visionnage-expérience une douce fantaisie, une générosité soyeuse, même si le côté illustratif l'emporte parfois sur le reste. Les cinq récits (le récit principal qui les contient, pouvant faire office de sixième récit, est moins intéressant) forment un imaginaire médiéval intrigant, en variant les styles et les registres. Il y a du sérieux et du bouffon, du léger et du grave, du chaste et du licencieux, et tous concourent à égratigner une morale disons convenue. Résurrection d'une femme abandonnée par son mari, maltraitance d'un idiot autour d'une supposé invisibilité magique, amour tragique finissant sur une double mort, sexe dans un couvent, et faucon servant de lien entre un homme et sa dulcinée. Certains passages sont très purs, comme par exemple au couvent où rien d'horrible n'est montré (on joue carrément la carte de l'humour frontal avec la mère supérieure qui met le caleçon de son amant sur la tête en le confondant avec sa coiffe) là où d'autres sont beaucoup plus macabres (on a droit à quelques bubons, un animal finit en ragoût).