Il est amusant de constater la différence qu’il peut exister entre deux œuvres qui se suivent d’un même réalisateur. Ici Francis Ford Coppola semble passer du coq à l’âne, en réalisant Conversation Secrète, quelques temps après Le Parrain. Passant d’un film de « commande », d’un des plus gros « blockbuster », si on peut dire, des années 70 à une sorte de pur film d’auteur aux traits plus personnels.

L’histoire est simple, Harry Caul, free lance de son état dans la surveillance, est chargé d’épier un couple et de transmettre ses trouvailles au directeur d’une grande entreprise.
Le film débute alors sur une superbe séquence, montrant tout le talent du réalisateur, où le dit couple déambulant dans un parc est espionné par Caul et ses collègues, ceux ci essayant de capter au mieux ce que les deux tourtereaux se disent sans s’en approcher.
Le boulot de Caul a l’air aisé, en quelque sorte livrer un paquet, pour autant quelque chose parait clocher, imperturbable fouinard celui-ci semble se rendre compte, à force d’étudier la bande son à sa disposition qu’il pourrait bien être mêlé à une affaire qui est loin d’être anodine …
Encore une histoire qui nous apprend à nous mêler de ce qui nous regarde !

Le récit, retranscrit uniquement du point de vue de Caul, n’est pas en substance original ou bouleversant mais il se révèle être une véritable petite pépite d’écriture, laissant de nombreuses questions en suspens. Une narration astucieusement et finement bien menée, qui se déroule avec un rythme enivrant de douceur des plus appréciable et nous plonge dans la morne vie de ce maitre espion, qui semble se révolter devant sa piteuse existence et commençant à faire face à ses actes, ses responsabilités. Un boulot n’est pas juste un boulot. C’est cette attitude qui va entrainer sa chute.
L’ambiance qui se dégage du film joue ici un rôle particulier et demeure un des points forts du film, soutenue par une photographie froide et terne mais en même temps magnifique dotée d’un grain d’image si particulier. Point d’action, point d’explosion, mais des situations qui font mouche. Le tout épaulé par une réalisation et un montage aussi méticuleux que son personnage principal.
Et de plus, que dire de cette fabuleuse bande son en parfaite adéquation avec l’image !

Il convient évidemment de parler de Gene Hackman, qui nous livre ici une de ses plus grandes prestations en incarnant cet as du placement micro, personnage introverti, solitaire, bourreau de travail, méticuleux au possible, croyant wobotien, irascible, peu avare en émotion et en palabre (comme quoi parfois l’habit fait le moine), obsédé par son intimité, aux tendances paranoïaques, extrapolant chaque événement de la pire des manières qu’il soit.
Un des personnages les plus pathétiques et les plus attachants que j’ai pu voir au cinéma.

Digne cousin du Blow Up d’Antonioni, du futur Blow Out de de Palma et par certains côtés Hitchcockien, Conversation secrète est assurément un des meilleurs films de Francis Ford Coppola et des années 7O période dans laquelle il s’insère plus que logiquement. Un grand film à découvrir, ou redécouvrir (surtout que le Bluray est de bonne qualité).
Un thriller paranoïaque qui ne fait pas de bruit mais qui frappe fort.

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