Entre deux volets de sa trilogie du "Parrain", Francis Ford Coppola recevait sa première Palme d'or pour "Conversation secrète", leur exacte opposée. Car à la grandiloquence de sa fresque mafieuse, Coppola oppose une épure aussi bien formelle que narrative, aux teintes grisâtres et au style anti-spectaculaire, loin de tout glamour hollywoodien.
Visiblement inspiré par le "Blow-up" d'Antonioni, Coppola construit un thriller paranoïaque tendu baignant constamment dans une ambiance de film noir, traînant avec lui son spleen jazzy et son ton désabusé, jouant avec délectation de la notion de point de vue et d'apparence, à l'aide d'un travail formidable sur le montage et le son, la musique se faisant très discrète et n'étant là que pour illustrer la psyché du personnage principal.
Incarné avec talent par Gene Hackman, cet anti-héros est le véritable moteur du film et sans aucun doute ce qui intéresse le plus Coppola, un être presque désincarné aussi mort que les machines qu'il manipule, solitaire et paranoïaque, incapable de faire confiance à la moindre personne, véritablement obsédé par les sons qu'il collecte et qu'il triture.
Bien que souffrant de quelques longueurs et d'un rythme extrêmement lent, "Conversation secrète" est une oeuvre bien trop méconnue dans la carrière de Coppola Père à redécouvrir d'urgence, une plongée obsessionnelle au coeur de l'illusion, parabole à peine voilée sur le septième art.