Bertrand Blier n'a pas réalisé de films vraiment marquants depuis à peu près 30 ans. C'est avec une certaine appréhension que j'attendais Convoi Exceptionnel, une comédie assez ambitieuse car elle repose sur des personnages conscients de leurs rôles d'acteurs, mais impuissants quant à leurs décisions à prendre : ils se doivent de suivre un scénario.
Rien que par le synopsis, on peut s'imaginer que Blier cherche à suivre les pas de Quentin Dupieux, avec des personnages qui font malgré eux partie intégrante du film (c'est ce qu'on retrouve dans Rubber, Réalité ou encore Nonfilm). Le problème, c'est que l'on n'est pas dans un film absurde : Blier ne maîtrise pas cela aussi bien cela que Dupieux, et en fait, le film n'est pas tellement drôle.
A la rigueur, l'humour peut se retrouver dans les dialogues, à la Blier, qui toutefois n'égalent pas ses anciens films. Il essaie d'être aussi cru que dans Les Valseuses, mais ça devient parfois vulgaire pour rien, je pense notamment au monologue d'Alexandra Lamy : la vulgarité, ce n'est pas toujours drôle.
Alexandra Lamy n'est pas la seule à être mauvaise dans son rôle, j'ai particulièrement détesté Farida Rahouadj et sa voix catastrophique, ainsi que son monologue inutile... La plupart des monologues de ce films sont assez longs, tournés en plan-séquences, et n'ont pas tellement d'objectif : on comprend bien que Blier concrétise la création de personnages, mais finalement, ça n'est utile en rien dans la narration. Et c'est ce dosage-là qui donne une impression bizarre quand on regarde Convoi Exceptionnel.
J'ai été assez critique jusque-là, et je n'ai d'ailleurs pas parlé des qualités des acteurs ; car si les rôles féminins sont clairement en-dessous de ce qu'on trouvait chez Blier (je pense à Josiane Balasko dans Trop Belle pour Toi ou Ariel Besse dans Beau-Père), Christian Clavier est particulièrement à l'aise, à ma grande surprise, et finalement le plus fidèle à ce que je pouvais espérer. Depardieu est presque un peu effacé par Clavier (qui l'eut cru), et me donne une impression d'incertitude, de déchéance, un peu comme ce que j'ai ressenti devant Mammuth.
Mais Blier essaie de rester assez fidèle à ce qu'il a pu faire auparavant ; en fait, l'ambiance rappelle beaucoup Buffet Froid, avec des personnages n'ayant pas conscience de la mort comme une véritable fin et agissant spontanément. On a même quelques plans qui, je pense, font directement référence à ce film : je pense notamment à la scène sur le banc où Farida Rahouadj se retourne, Clavier et Depardieu la harcelant. D'autres éléments font écho à son cinéma, comme le caddie de son film Les Valseuses.
On retrouve du Blier. On peut reconnaître que c'est du Blier. Mais ne m'ôtera pas l'idée que Bertrand Blier est définitivement un réalisateur ancré dans les années 70~80, et qu'il n'est aujourd'hui plus dans son époque. J'ai l'impression qu'il s'est perdu dans ce film, qu'il ne savait pas tellement où aller ou ce qu'il voulait dire. Peut-être a-t-il déjà tout dit : il faut regarder ses autres films.