Humble et digne retour du grand Bertrand Blier qui - proche des 80 printemps et des 60 ans de carrière - livre avec Convoi Exceptionnel un pur moment de cinéma désintéressé, authentique au risque de paraître vain et redondant au regard de sa très inégale filmographie...
Une chose semble à peu près certaine une fois la projection terminée : jamais plus Blier ne retrouvera le génie d'écriture de son chef d'oeuvre Tenue de Soirée, ni la cohérence dramatique de ses premiers films ( notamment Les Valseuses ou encore Buffet Froid, petits sommets d'efficacité et de truculence...). Il aura donc fallu attendre près de dix ans pour que le réalisateur se manifeste à nouveau, enchaînant les films avec des délais de plus en plus longs et des récits de plus en plus laborieux et de moins en moins inspirés. Si Le Bruit des Glaçons décevait relativement nos attentes ( faute à une excellente idée de départ sabordée par une vacuité narrative ) ce Convoi Exceptionnel ne déroge pas à la règle de ses derniers films : mise en abyme et dialogues sous le joug de l'écriture automatique, grands acteurs et personnages intimement confondus, théâtralité beckettienne et apartés en tous genres...
Pourtant la désinvolture et la provocation de Blier demeurent, là, intactes et sympathiques : les caddies de supermarché des Valseuses et de Merci la Vie ont laissé place à des bagages existentiels sans provisions, Christian Clavier jouent les mendiants du dimanche et les assassins d'opérette et l'excellente Farida Rahouadj se réinvente une vie de gloire et de lumière... Le film tente énormément de choses, quitte à s'y perdre ou à se planter mais garde l'immense mérite de proposer une vraie personnalité : une verve certes ressassée par le cinéaste, avec toujours les mêmes schémas et les mêmes personnages décalés, en proie à une certaine forme de mal d'amour mais d'une tendresse forcément attachante voire émouvante in fine.
Bref le film ne commence jamais vraiment, fait littéralement du surplace tout en digressant souvent inutilement pour enfin se terminer n'importe comment... Mais qu'importe : se sont les acteurs et les actrices qui intéressent Bertrand Blier, leur phrasé et leur mouvance ( Gérard Depardieu, Christian Clavier ou encore Alex Lutz sont tous remarquables à leur façon ). Cela fait du bien de constater une telle amicalité chez l'un des vétérans du cinéma français : c'est à voir.