Aller voir un film de Bertrand Blier,c’est accepter d’être chamboulé tout en en retenant quelque chose.A ce titre, Convoi Exceptionnel ne m’a pas déçu bien au contraire. L’installation de Blier, c’est déjà de nous confronter aux personnages de Foster et Taupin ( que Christian Clavier et Gérard Depardieu font passer du comique au tragique avec maestria), devenant compères de circonstances.Bien sûr, le fait qu’un des deux a le scénario de leur histoire et l’autre pas, interpelle le spectateur. En soi, Bertrand Blier nous parle d’emblée de la direction d’acteurs,son violon d’Ingres, et comment réagissent les acteurs au cinéma ( par extension aussi du théâtre quelque part) avec ce besoin viscéral d’avoir des dialogues et des indications pour occuper l’espace.Donc Foster a le texte et Taupin doit le suivre aveuglément,ce qui l’excède. Ce premier postulat est bien sûr temporaire car les scénaristes omnipotents apportent des modifications à l’action.Bertrand Blier, en les montrant comme des empêcheurs de tourner en rond, le fait par le prisme du cynisme et de la provocation (ses marques de fabrique) car ils les aime malgré tout (sans scénario,pas de film!).C’est ce qui passe ensuite ( et que je ne vous dévoilerai pour rien au monde) qui prouve tous les fantasmes du réalisateur sur l’utilisation de l’écriture,et ses envies de volte-face encore plus audacieuses.Alors oui, Bertrand Blier reconfirme ses valeurs artistiques et revisite par clin d’oeils, pieds de nez des thèmes l’ayant toujours intéressé: la femme, la mort et le destin. Sa galerie d’individualités plus ou moins fictionelle ne sert à réaffirmer que les personnages en quête de sens ou d’auteurs est une utopie pour matérialistes ou technocrates ( étant parfois les deux en même temps). Et que l’absurde en apparence(cher à un Beckett qu’on croirait hanter le combo de Blier) propose des situations pour faire exister des personnages par eux-mêmes.Entre torpeur et indignation ou génie et désinvolture, Blier teste l’acceptation de celui regardant son film. Soit il sera dérouté par des moments complètement hallucinés, soit il acceptera la petite musique qu’ils distillent.En tous cas, réussir à englober ces situations farfelues, ces interrogations dingues ( dont la principale: jusqu’où Blier veut aller?) sur moins d’une heure et vingt cinq minutes, c’est un travail de synthèse collosal et de haut vol et non le fait qu’on a rien à dire.Parfois des images hermétiques cachent un sens aussi absurde soit-il et c’est cela que Blier veut que le spectateur déniche car tout donner, c’est assurément l’ennui qui guette, la surprise ne venant plus et les justifications n’ayant plus d’effets. La mort des personnages, la mort de l’action et la mort du cinéma dans ce qu’il a de plus insaisissable. Au diable le formatage quand les diversités foisonnent.