Revu à la Tv.
Ce film est mal foutu, laid et artificiel, on dirait un best of réchauffé et fade de toute l'œuvre de Blier mais il est rempli d'idées intéressantes et d'une sensibilité unique, mêlée à un apaisement ultime, tout en étant dans la continuité logique avec les thèmes cyniques de Blier.
Le film s'ouvre sur le tandem Depardieu/Clavier et leurs rencontres dans une recherche de scénario.
Ce film est comme une possibilité de société de demain, où les derniers vivants, vaincus de la vie, sont obligés de se resigner, de jouer des rôles écrits à la virgule près.
Un bureau d'écriture de scénario, des vagabonds, des voisins, la foule. Ils écrivent tous la vie ! Ils tuent, ils inventent des vies, des faux mariages, créent des coups de théâtre... La vie ne peut être qu'une cours de récréation factice, où les derniers humains récupérés dans la rue même, après avoir été des insoumis, des rebelles en réponse au conformisme, aux rôles, et aux étiquettes imposées.
Il y a cette ville de Paris magnifiquement filmée, vide, déserte, mais on y ressent de la présence partout, tout y est observée, tout est connu, on ressent les gens qui observent à la fenêtre, et la ville déserte comme décor aux derniers vivants qui cherchent leurs rôles à venir pour se resigner (une ambiance proche de Lynch déjà filmée dans la dernière partie du film les acteurs où Serrault et Belmondo errent dans ce faux désert nocturne).
Il y a cette femme, muse de Blier (qui est apparu dans tout ses derniers films), qui est vivante, elle y apparaît sans masque dans une jungle masquée et costumée, elle y raconte son passé, une femme lui répond même "mais vous n'avez pas besoin de rôle..."(cette scène m'a mis à terre, en larmes)...
Blier nous dit que l'humanité réelle est toujours quelque chose qui touche le cœur des gens, que malgré la mort collective généralisée, être soi même est quelque chose d'eternellement unique... Cette femme vagabonde, cette passante se produit sur scène, tard la nuit, elle n'arrivera pas à chanter la chanson de Suzy delair de Quai des orfèvres, elle n'y ressent aucune poésie, aucune beauté, elle devient muette, dépossédée de tout au milieu de cette scène factice...on y entend des gens, on y voit parfois quelques personnes du public, mais ce public est un énième décor vide dans une énième pièce montée. Elle arrivera à chanter dans l'émotion en petit comitée, où l'humanité y est parfois présente, mais on la tuera dans la douleur et le regret, car la singularité, la beauté, tout ça est beaucoup trop dangereux dans ce monde écrit à la virgule les malheureux pensent avant tout à leurs vies...
Mais Blier n'est pas réactionnaire pour autant, il nous laisse espérer une possibilité de vie, d'une petite frontière qui nous ramènera pour un temps éphémère à la vie.
Notamment dans cette fin cynique, où le tandem Clavier/ Depardieu se retrouve dans une nouvelle vie future construite, et dans l'amnésie d'un passé. Ils discutent de recettes de cuisines, de bonne bouffe de chez nous, puis Depardieu qui a une femme mourante, la tuera au milieu de cette discussion, tout en faisant semblant de s'absenter aux toilettes pour pouvoir la tuer. Une fois sa femme morte il en sera indifférent...Il a accepté une fausse vie pour l'apparence et surtout pour avoir l'air de collaborer à la schizophrénie collective... Clavier sera choqué, il comprend que la vie sera une éternelle farce cynique...
Morale de cette fin ? Rester sur ce qui nous ramène un peu à la vie , à la terre, le reste aura toujours moins d'importance que des fragments de vie réelle.