J'aime ce documentaire qui entremêle avec distance et humour deux besoins essentiels de l'Humanité : manger et tuer. Son fil conducteur est un hélicoptère transportant une cantine militaire au bout d'un câble vers le front. La scène se répète en musique, parodie lourdement les hélicoptères meurtriers d'"Apocalypse now" et la "Chevauchée des Walkyries"...
La nécessité de tuer au cours des guerres est résumée sur l'affiche : 6 guerres, 10 récits, plus de 60 millions de morts...
L'homme appartient à la chaîne alimentaire et nous devons manger pour vivre. Ainsi sur cette planète, manger c'est tuer. Alors le réalisateur slovaque Peter Kerekéš nous montre frontalement l'égorgement de vaches, d'un porc et d'un coq (je précise pour les âmes sensibles). On ne tue pas seulement à la guerre. Nous oublions souvent cette réalité car nos tueries sont indirectes. D'autres personnes font mourir les animaux que nous mangeons.
Peter Kerekéš a bien choisi les cuisiniers militaires qu'il interroge : des boulangers vantent la qualité de leur pain allemand pendant la seconde guerre mondiale, une cuisinière russe spécialiste des blinis raconte au bord des larmes le siège de Leningrad, un cuisinier croate démissionne de l'armée yougoslave par nationalisme, des cantinières serbes sont ouvertes au dialogue avec les Croates, un cuisinier français prépare un coq au vin mais refuse de parler de sa guerre d'Algérie... Ces entretiens sont très vivants, plein d'émotions et bourrés d'humour.
Nous sommes de pauvres êtres humains, en proie aux guerres comme aux nécessités alimentaires. Sans pain (et sans blinis !) les soldats ne pourraient faire la guerre. Et une grève générale des cuisiniers des armées belligérantes les forcerait à cesser les combats. Il faut réagir, Camarades Rêveurs : créons l'Internationale des cuisiniers militaires !