“Go home, Freddy, and don’t think so much” : Freddy est un personnage dans une posture particulièrement délicate : shérif bas de gamme dans un monde de flic, il est la figure du sous-fifre à qui l’on demande surtout de faire de la figuration. Porté sur l’alcool, atteint de surdité partielle, il a tout du déclassé à qui la vie n’a pas laissé sa chance.
C’est évidemment l’un des intérêts du film que de proposer ce rôle de composition à Stallone, qui retrouve ici ce que pouvaient avoir de touchant ses rôles dans les premiers Rambo et Rocky : des personnages un peu limités, à la merci d’un déterminisme social, et doté d’un potentiel encore inexprimé.
Copland suivra cette trajectoire sans pour autant aboutir au panache des autres références, et pour cause : il s’agit moins ici de construire une mythologie que de décaper certaines apparences.
Les films traitant des accointances entre flics et truands sont légions ; la singularité de Copland est de traiter d’un groupe unique, celui d’une police qui fonctionnerait exactement comme une mafia. Le personnage de Freddy se voit ainsi confronté à une communauté qui a su faire bloc, et qui sous couvert de la cohésion d’une grande famille, règne sans partage. Justicier naïf parmi ceux qui représentent l’ordre, il est celui qui trébuche, le grain de sable dans un engrenage qui ne demande qu’à le broyer : « Being right is not a bullet proof jacket, Freddy… »
Il est vrai que sur ce point, le scénario ne fait pas toujours dans la dentelle : les multiples meurtres envisagés comme solution rapide par la police sont un rien excessif, tout comme la trajectoire du preux chevalier que notre simplet va accomplir sans jamais renoncer, jusqu’à un dénouement qui fait la part belle aux bons sentiments.
C’est surtout dans son atmosphère que le film se distingue : le casting prestigieux (Keitel, Liotta, De Niro…) est ici intéressant, parce qu’il démultiplie les forces de l’inertie face à un système trop ancré, dans lequel les figures tutélaires l’emportent, un peu à la manière du règne des têtes d’affiche à Hollywood. De ce point de vue, le regard sombre et un peu mélancolique proposé par Copland, au sein d’un univers balisé du polar, apporte une singularité bienvenue. C’est d’ailleurs tout ce qui fait la saveur du dernier film de Mangold en date, Logan.
On retrouve ce regard clivé dans le climax du film, fusillade évidemment attendue par tous : en le filtrant par l’écueil de la surdité, Mangold écrit une scène qui dépasser largement le défouloir de circonstance, et colore le polar d’un discret désarroi face à la violence du monde. Les individus tombent, la justice semble être rendue ; mais le ciel reste aussi bas et le New Jersey aussi opaque. La nature humaine, on le sait, restera sourde aux petits soubresauts d’un dénouement occasionnel.