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Revoir Coraline me fait réaliser que j’ai beaucoup perdu de mon goût pour les ambiances gothico-fantastiques alla Burton et Selick. La faute peut-être au déclin artistique du premier au cours des deux dernières décennies, et de la quasi-disparition du second de nos écrans, créant un trou dans un imaginaire pourtant fertile et inspirant dans les années 90, à peine combler par les splendides jeux Little Nightmares (empruntant d’ailleurs plus à Selick qu’à Burton). Je n’ai donc pas retrouvé le plaisir d’antan dans Coraline, du moins, pas sur l’immersion dans cet univers dont les designs m’ont cette fois laissé de marbre.
Sans doute aussi que l’histoire, adaptée d’un livre du désormais cancelled Neil Gaiman, peine à se démarquer de ses évidentes influences, proposant un récit à la croisée des chemins entre Alice au Pays des Merveilles, Le Labyrinthe de Pan et Hansel et Gretel. Un film où la solitude des personnages les mène à l’évasion dans un univers de prime abord réjouissant, mais qui se révèle peu à peu inquiétant, puis cauchemardesque.
La solitude, c’est celle du déménagement de la famille de Coraline dans une sinistre demeure au milieu de nulle part. C’est celle des parents, enfermés dans leur travail car dans une mauvaise passe professionnelle et délaissant ainsi leur fille, creusant davantage sa propre solitude. C’est celle Wybie, seul gamin du coin n’ayant pour compagnon que le troisième âge et des limaces. C’est celle du circassien, Mr. B, dont l’excentricité du comportement l'exclut d’un compagnonnage, jugé erronément comme un poivrot, et réduit à converser avec ses souris. C’est celle des deux petites vieilles, coincées dans un passé révolu fait d'artefacts de leur carrière et de chiens empaillés, boursouflées d’un ego déplacé et incapables de dialoguer entre elles.
Ou du moins, c’est que perçoit Coraline chez ses voisins, projetant sa propre solitude par le voile dépressif qu’elle place sur ce nouveau chez soi qu’elle rejette en bloc. Car la conclusion aura tôt fait de montrer que toutes et tous sont en réalité bienveillants, et heureux. Mais ce voile pousse la fillette, ne supportant pas tout cela et devenant elle-même insupportable, à franchir le pas de la porte, à s’enfoncer dans le terrier du lapin. Cet univers parallèle où les habitants n’ont pas d’yeux, et par le truchement de la fenêtre, pas d’âme. Un détail suffisant pour nous faire pénétrer dans la vallée dérangeante. Un monde où il lui faudra lever le voile, libérer ses voisins de leur apparente torpeur, et donner la paix aux fantômes des enfants enlevés (qui sont les amis que le déménagement lui a fait perdre).
Une trame convenue mais bien menée, mais dont le principal atout reste la prouesse d’animation du studio Laika. Par les marionnettes, les textures deviennent palpables, les expressions crédibles, tandis que la multitude d’effets laisse pantois et pousse à réfléchir sur le laborieux processus de fabrication que l’on devine. A ce titre, le making-of inclus sur la galette est encore plus intéressant que le film lui-même. Accompagné par un casting vocal au diapason, et une bande-son de Bruno Coulais faite de chœurs enfantins inquiétants et d’une légèreté instrumentale en décalage.
Si je ne peux pas dire que j’ai été emporté par l’univers et le récit proposés, je reste néanmoins subjugué par la qualité d’un savoir-faire bien trop rare, dont Laika s’est fait l’expert incontesté.