La souffrance au travail et le harcèlement (a)moral sont des sujets qui sont abordés de plus en plus fréquemment dans le cinéma français et ce n'est pas un mal. De bon matin a été le film pionnier et reste de loin le plus marquant. Après Carole Matthieu, passablement raté, voici Corporate qui se différencie de ses prédécesseurs en se plaçant à hauteur de la direction d'une grande entreprise, plus exactement auprès d'une DRH. Bonne pioche au demeurant puisque ce poste est central, voie royale de la transmission de la stratégie managériale. Du côté du bourreau a priori mais pouvant se retrouver vite chez les victimes au cas où il y aurait un chapeau à faire porter. Corporate est correctement écrit même s'il se focalise trop sur un personnage dont l'évolution psychologique semble relativement peu crédible quand on connait le fonctionnement interne des multinationales. Il y a un aspect "Guide du fonctionnement des ressources humaines au temps du capitalisme pour les nuls" qui est un peu laborieux mais, bon gré mal gré, le film ne manque pas de cohérence en dépit du fait qu'on ne sait absolument rien de l'entreprise décrite ni de ce à quoi travaillent ses collaborateurs. Une abstraction qui fait tâche quand on se targue de réalisme. Malheureusement, la mise en scène est à peu près inexistante et ne suscite pas vraiment d'adhésion à un sujet qui devrait nous prendre aux tripes. Les satisfactions, il y en a tout de même, viennent de l'interprétation de Céline Sallette, remarquable dans un rôle pas très sympathique, de Lambert Wilson, impeccable en hypocrite cauteleux et poisseux, et surtout de Violaine Fumeau qui humanise de belle façon le métier peu glamour d'inspectrice de travail.