Avons-nous réellement besoin du septième art pour nous faire comprendre que notre monde affreusement capitaliste part franchement en sucette ?
Non, mais voir le cinéma social hexagonal pointer du doigt les dérives de notre société contemporaine, entre deux comédies maladroites, cela vaut savamment son pesant de popcorn pour ne pas être boudé dans des salles finalement jamais aussi obscures.
Premier long métrage aussi ambitieux que culotté de Nicolas Silhol, Corporate s'attache à nous envoyer en plein visage les maux de notre si cher pays, dans un uppercut qui n'est pas sans rappeler le douloureusement réaliste La Loi du Marché de Stéphane Brizé, ou encore le formidable Deux Jours, Une Nuit des frangins Dardenne.
En prenant pour toile de fond les arcanes glaciales d'une grosse entreprise d'agroalimentaire, ou la moindre émotion est clouée au pilloris - car non-productive -, le film suit le parcours d'une DRH brillante, une " killeuse " au quotidien bien huilée mais qui va vite voir ses certitudes vaciller au suicide d'un collègue (le film reprend la fameuse vague de suicides chez France Telecom).
Questionnant autant l'instrumentalisation de l'humain au sein du milieu du travail (et jusqu'ou il serait capable d'aller pour servir les intérêts de son employeur), tout en mettant joliment la lumière sur les conditions de travail au sein d'une grande entreprise à l'exercice capitaliste bien rodé (les techniques du management moderne, avec ces manoeuvres diaboliques pour licencier ses employés,...); Corporate est un incroyable thriller dramatique, un choc austère provoquant autant le malaise que la fascination chez son spectateur, totalement happé par cette histoire étouffante et incroyablement passionnante à fois.
Porté par un casting remarquable (Lambert Wilson en tête), dominé par la merveilleuse Céline Sailette, le premier passage derrière la caméra de Nicolas Silhol incarne un brillant moment de cinéma, une étude sociologique aussi pertinente qu'amère, certes un poil limité d'un point de vue mise en scène (assez plate), mais constamment relevé par un propos maitrisé (même si pas assez radical et jusqu'au-boutiste) et une envie de bien faire évidente.
Corporate pose les bonnes questions et nous pousse à ouvrir les yeux, à voir maintenant si le monde - volontairement borgne -, en fera un long-métrage important ou une énième sortie du mercredi...
Jonathan Chevrier
http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2017/04/critique-corporate.html