New-York : Éric, un jeune golden boy souhaite aller se faire couper les cheveux et monte à bord de sa limousine, prêt à traverser la ville malgré l'avertissement de son garde du corps sachant la présence du président et donc d'embouteillage. Commence alors pour lui une traversée de la ville de plus en plus sombre, troublante et chaotique.
Peu à peu, David Cronenberg nous plonge dans la journée de cet homme, totalement coupé du monde réel et de plus en plus troublant et chaotique au fur et à mesure que le temps passe et au contact d'une galerie de personnages à cette image. Le cinéaste canadien nous immerge durant une grande partie du film à ses côtés, dans sa limousine qui lui sert de bureau où s’enchaînent ses rencontres, pensées, baises, repas, siestes et moments de solitude. Autour de lui, c'est le chaos, l'impression que la révolte gronde et que l'apocalypse approche, mais aussi la sensation de la destruction du monde d'Éric, celui de la finance et la spéculation alors que lui reste dans son véhicule, souhaitant juste aller chez le coiffeur.
Là où le roman m'avait un peu ennuyé, le film me fascine de bout en bout, avec un Cronenberg trouvant toujours le ton juste et la bonne prise pour accentuer cette fascination ainsi que l'ambiguïté et le mystère planant sur le récit. Sa mise en scène est tout le long élégante, avec une photographie assez léchée et une économie de plan, souvent au plus près des protagonistes. Le canadien est inspiré dans la façon dont il met en place le chaos et la destruction d'un homme à l'apparence propre et l'impression que tout lui réussit. Il se montre posé, prend son temps et rythmant d'abord son film par les rencontres et les, parfaits, dialogues. Il donne une vraie force et fait de cette descente aux enfers, ainsi que retour à la réalité, un véritable objet de fascination.
Si la forme change et que le cinéma du metteur en scène de Videodrome évolue, on retrouve quelques thématiques revenant régulièrement dans sa filmographie, ici une radicale, glaçante et violente allégorie de cette société ultra-capitaliste. Il met en scène la déshumanisation de la société, l'homme devenant un robot, matérialisé par de nombreuses séquences mémorables où il montre tout son savoir-faire, que ce soit dans la dernière partie ou le check-up dans la limousine. Si le choix peut d'abord paraître surprenant, Robert Pattinson se montre terrifiant à souhait dans ce rôle de golden boy coupé de toute réalité et semblant perdu alors que le monde s'écroule. Paul Giamatti, Jay Baruchel et Juliette Binoche, entre autres, l'épaulent admirablement bien.
David Cronenberg n'en finit plus de surprendre, ici avec une oeuvre glaçante, compliquée, troublante et surtout fascinante, où il met en scène la chute de notre société par le prisme d'un golden-boy déshumanisé.