Voici un film singulier sur une guerre singulière, la Corée. A l’heure où Pyongyang semble vouloir, dans le meilleur des cas, tester sa capacité à jouer au poker ou, il faut espérer que non, ouvrir une porte vers l’inconnu, j’ai eu envie de me plonger dans ce conflit méconnu. Guerre lointaine, coincée entre la bonne guerre de 39-45 avec ses bons et ses méchants quasi caricaturaux d’un mal absolu et la sale guerre du Vietnam avec ses méchants GI et ses pauvres Viets, (à moins que ce ne soit l’inverse … voire même que ce soit plus complexe encore ^^U), cette guerre est peu enseignée, peu filmée bref, on s’en tape le coquillard.
Pourtant elle est fondamentale et on est en train de redécouvrir qu’elle n’est officiellement pas terminée, ce qui pourrait coûter cher à nos Galaxy. Je me suis donc procuré cette petite perle avec beaucoup d’envie et une certaine appréhension de me retrouver face à un énième John Wayne like au regard de la date de sortie du film, ces bonnes vieilles années 50.
Autant dire que je n’ai pas été déçu du voyage. Primo il faut rendre grâce à Robert Ryan, acteur souvent dans l’ombre de méga star comme le J.Wayne ou de film moins vendeurs mais pourtant excellent bonhomme, au charisme naturel fou. Un mec intéressant sous bien des aspects, il suffit de s’intéresser un peu à sa filmographie pour s’en convaincre, à commencer par exemple par Feux croisés où il est encore une fois campé à un rôle secondaire derrière Mitchum. Ici Ryan tient le haut du pavé dans le rôle d’un lieutenant désabusé, dur par nécessité, déterminé à se battre par devoir mais au final très humaniste. Un beau rôle, très bien joué mais est-ce une surprise ? Le reste du casting est moins clinquant mais les acteurs sont tous justes, à commencer par Aldo Ray, le sergent Montana qui se bat pour lui et son colonel, point barre. Un modèle de cynisme qui, finalement, n’est pas sans rappeler un certain sergent … Barnes. Montana le dur / Benson l’humaniste. Barnes et Elias. La boucle, la clé du film : Men in war est un avant goût de ce que sera Platoon.
Le film a des défauts inhérents à son époque : les morts ne sont pas réalistes pour un sous, on est très loin des canons de réalisme actuel. Techniquement tout est assez classique. Le rythme n’est pas toujours tip top, les adversaires sont là pour se faire dessouder, point barre. Et puis merde, 14 GI qui se balladent à découvert sans que l’ennemi ait l’idée de les fixer pour les arroser ensuite avec de l’artillerie ... qu’ils ont par ailleurs, c’est juste idiot.
Pourtant oui, ce film a quelque chose de Platoon. Il a en lui une véritable modernité. La façon de filmer ces visages en gros plan, les interrogations de ses hommes, cette section qui se trouve au milieu de nulle part dans une nature au service d’un ennemi presque invisible, cette armée qui doute, qui a peur, cette folie d’un colonel muet et sublime de pathétisme. Le duel entre 2 officiers / soldats est classique. Celui-ci va bien au-delà des canons de l’époque du genre Diables de Guadalcanal où, déjà, Ryan affrontait Wayne sans espoir de pouvoir faire tomber THE héros (à part Charlton Heston, qui aurait pu ???). Franchement, Anthony Mann est passé assez prêt d’un chef d’œuvre, d’un film de la trempe d’un Croix de fer qui arrivera 20 ans plus tard.
Une économie de moyen (une vingtaine d’acteur – figurants + 1 jeep + 1 carcasse de camion), une photo superbe, même en N/B, des persos complexes ; oui, cette marche lente vers l’agonie finale est un film à découvrir. Une belle porte d’entrée vers la Guerre de Corée.