Bon, reconnaissons que "Cours, Lola, Cours" n'a rien d'un vrai "classique du cinéma", mais il avait - un peu - marqué son époque en opposant ses partisans, adeptes d'un cinéma "nouveau", intégrant les formes nouvelles - le vidéo-clip principalement, l'animation, etc. - au service d'un scénario pas stupide, qui rappelait, en moins imposant, le travail d'un Kieslowski sur le hasard et le destin, à ses détracteurs, qui ne voyaient ici que du toc, de la modernité frelatée. Quinze ans plus tard, Tykwer a déçu, ses ambitions peu à peu diluées dans un cinéma plus conventionnel ("Heaven" restera sans doute son chef d'oeuvre) et Franka Potente n'est pas devenue la star internationale qu'on avait espérée (bonne prestation dans "Jason Bourne", et plus rien ensuite...). Quant aux (petites) audaces formelles de "Cours, Lola, Cours", elle paraissent totalement futiles aujourd'hui, et qui plus est, dépassées. Pourtant, le coeur du film de Tykwer semble paradoxalement battre plus fort désormais, une fois les faux débats oubliés : ce qui frappe, c'est l'extrême générosité d'une fiction qui cherche par tous les moyens un "happy end" improbable à ses héros losers, et qui le trouve après deux tentatives ratées. Cette énergie positive qui parcourt le film est l'essence du projet de Tykwer, et rend "Cours, Lola, Cours" régulièrement enthousiasmant : offrir à chacun une micro-fiction lui permettant d'exister, arrêter la course de l'histoire (et de l'héroïne) pour faire battre à nouveau le coeur d'un personnage pourtant "chargé", voici des gestes de cinéma qui justifient les dérives formelles inutiles d'un premier film, clairement réalisé avec enthousiasme et candeur.